États dangereux, délinquance et santé mentale

  • Membre Inconnu

    Membre
    28 juillet 2022 à 12 h 07 min

    Cher @le_bacteriophage je me faisais un devoir de répondre plus profondément à ton sujet avant de quitter le site.
    Voici donc d’autres réflexions qui me sont venues à la suite de la lecture du texte que tu as proposé.
    Je t’avouerai qu’au début je l’ai lu avec attention, mais qu’à force de relever des approximations ou des raccourcis je l’ai terminé en diagonal.

    Il y a déjà des tensions, à la base, entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire. J’inverserai donc le raisonnement de l’auteur en disant que les disfonctionnements dans la chaine répressive, face aux évolutions et à la diversification de la délinquance, attisent les préoccupations sécuritaires.

    La psychiatrie et ses expertises sont mises sur la sellette pour des raisons diverses ; certaines n’ont absolument rien à voir avec la criminalité. La médiatisation des crimes spectaculaires pointe principalement les défaillances des expertises – qui peuvent parfois s’avérer contradictoires autant dans leur compte-rendu – et l’exécution des soins. Si les questionnements et les indignations peuvent s’avérer vives c’est sans doute parce que la psychiatrie est un champ relativement récent, qu’il est peu attractif et que les moyens investis par l’état sont insuffisants. La jeunesse de cette spécialité, la difficulté à identifier les pathologies, à les définir clairement et à proposer des traitements ou des thérapies occasionnent des erreurs, des incohérences, des réponses inadaptées et à un autre niveau, des querelles de chapelles. La psychiatrie se dissocie délibérément de la psychologie et encore plus, de la psychanalyse. Il me semble que ces luttes de pouvoir et ce manque de porosités n’arrangent pas les choses. Il y a aussi un problème de jalons ou de consensus qui rendent les avancées laborieuses, surtout en ce qui concerne la psychologie et la psychanalyse. Je soulignerai enfin la différence de paradigme entre la psychiatrie qui propose des réponses chimiques et les deux autres qui ne sont ni dans une logique médicamenteuse, ni donc dans une logique mécanique. J’entends par mécanique, le fait que le corps soit la seule cause de ces comportements pathologiques.

    Comme n’importe quel crime typé, ceux commis par les malades mentaux provoquent parfois une chaine de réactions diverses. Ce n’est pas systématique. Il suffit, pour s’en convaincre d’examiner le cas de chaque patient interné dans les « Unités pour Malade Difficiles » (on appréciera l’euphémisme) pour s’en convaincre. Chacun des meurtriers qui y sont enfermés n’ont pas fait l’objet d’une couverture médiatique au moment de leur interpellation et il n’y a pas eu non plus de stigmatisations ou de scandales particuliers. Il faut aussi admettre que les réactions, voire les stigmatisations, répondent autant aux crimes qu’aux défaillances de la chaine judiciaire. Ces nuances que je m’évertue à apporter prouvent que l’article (appelons-le ainsi) échoue à cause de son positionnement de départ, pour son engagement que je suspecte d’être passionnel (ou politique) et par les clichés qu’il égraine au fil des paragraphes. Il me paraît de plus en plus compliqué, à partir de là, de le commenter.

    Je vais quand même extraire un commentaire supplémentaire afin de démontrer à quel point ce pseudo article est biaisée, qu’il manque d’impartialité et de profondeurs en dépit de son jargonnage et sa prodigalité de chiffres.

    Je cite :

    – les études publiées sur les troubles mentaux de la population pénale avancent que près de la moitié des détenus seraient porteurs de troubles mentaux ;

    De quelles pathologies parle cette étude ? De troubles névrotiques ou psychotiques ? Les premiers sont acquis et les seconds sont a priori innés. A partir de cette distinction, les débats ne sont plus du tous les mêmes car on peut largement supposer que les troubles peuvent être une conséquence des crimes ou de l’incarcération, en ce qui concerne ceux d’origine névrotiques.
    L’auteur se garde bien d’y répondre.

    On voit bien, petit à petit mais toujours de façon exponentielle, que le propos glisse vers une démonstration idéologique décomplexée. L’auteur reprend à son compte des expressions typiques du champ politique comme la notion de « tolérance zéro ».

    Je vais me risquer aussi de mettre en doute un proposition quitte à me tromper.
    L’auteur dit, dans l’avant-dernier chapitre :

    […]la recherche de facteurs spécifiques de violence au décours des troubles mentaux permet d’isoler 4 sous-groupes de patients :
    – (dont) les pathologies psychotiques associées à un abus de drogues ou d’alcool.

    Le problème quand je lis cela, c’est que ces pathologies ne sont forcément les mêmes, qu’elles ne sont pas forcément « psychotiques ». Je pense particulièrement à la sociopathie ; une pathologie dont les contours ne sont pas les mêmes selon que l’on se place d’un côté ou de l’autre de l’Atlantique.

    Je n’ai pas repris les 4 sous-groupes en question, mais il y manque les troubles de la personnalité perverse qui ne sont ni des troubles psychotiques, ni névrotiques dans certains cas, psychotiques ou névrotiques dans d’autres et qui sont souvent au cœur d’affaires criminelles.

    Je serai curieux d’avoir ton avis sur tout ceci maintenant que je t’ai répondu.

  • bagayaga

    Membre
    28 juillet 2022 à 12 h 39 min

    En lisant la réponse de @jabberwocky ,je me suis remémoré cela. Que la population carcérale est aussi composée d’individus souffrant de TDAH. Et ils passent inaperçus j’ai le sentiment, lorsque que l’on évoque les différents types criminels. Dans leur cas, est mise en avant l’impulsivité,les comportements à risques et les addictions il me semblent.

    Je n’en sais pas beaucoup plus, puisque j’avais lu ça, vite fait lorsque je m’intéressais au TDAH.

    @le_bacteriophage je te laisse une étude si cela t’intéresse.

    https://www.cambridge.org/core/journals/psychological-medicine/article/metaanalysis-of-the-prevalence-of-attention-deficit-hyperactivity-disorder-in-incarcerated-populations/23477B340EDE335069C9050EF9F0DD0A#

  • Membre Inconnu

    Membre
    28 juillet 2022 à 13 h 09 min

    Le propos de l’étude est intéressant @bagayaga , mais je regrette l’absence de déductions ou d’hypothèses. On n’est effectivement pas plus avancé. Je suis assez dubitatif concernant les contours du TDAH d’autant que les causes sont encore mal définies et incertaines. Si mes souvenirs sont bons, dans les conditions requises pour authentifier un TDHA, il ne faut pas qu’il n’y ait de troubles du sommeil ou de stress psychologique.

    A partir de là comment être certain que ce qui est admis comme TDHA dans les différentes enquêtes, ne soit pas propre au milieu carcéral et que, par voie de conséquence, cela relève de comportements induits ?

  • bagayaga

    Membre
    28 juillet 2022 à 13 h 57 min

    Salut @jabberwocky ,

    Je n’ai hélas pas la réponse à ta question. Très pertinente.

    Il est évident que cela aurait dû être développé. J’imagine que comme tu le souligne les conditions de détentions peuvent amener à des troubles du sommeil et des états anxieux.

    J’aimerais croire que les chercheurs ont pris en compte cela. D’ailleurs pour observer une population test, et exclure ce genre de biais, il faudrait que l’étude soit longitudinale. Pour observer les variations dans le temps.

    Et trier le TDAH de ses probables comorbiditées.

    L’idée est en effet séduisante, d’interroger la probabilité que ces jeunes TDAH adultes, non traités, soient fortement présents dans la population carcérale. Maintenant comme tu le dis. Un diagnostic fait dans ces conditions, n’est pas forcément crédible. Et ça mets à mal toute l’étude. Le fait que ne ce soit pas montrer du doigt dans la discussion est dommageable. Et curieux même. Ce n’est pas psycho-magazine.

    Sauf si le processus de collecte de données s’est étalé dans le temps.

    Ce que je n’arrive pas à trouver dans l’étude. Mais je suis rouillée et mon anglais est sommaire.

  • bagayaga

    Membre
    28 juillet 2022 à 14 h 04 min

    Screening versus diagnostic clinical interview methodology

    Studies using screening for diagnosis had a significantly higher estimated ADHD prevalence of 43.3% (95% CI 33.2–56.4) compared with 25.5% (95% CI 20.0–32.4) obtained from the subset of studies using a diagnostic clinical interview (p = 0.001). This suggested a high rate of false positives was being identified by screening tools, and thus subsequent reported analysis used prevalence obtained only from diagnostic clinical interview data (i.e. model 2).Screening versus diagnostic clinical interview methodology
    Studies using screening for diagnosis had a significantly higher estimated ADHD prevalence of 43.3% (95% CI 33.2–56.4) compared with 25.5% (95% CI 20.0–32.4) obtained from the subset of studies using a diagnostic clinical interview (p = 0.001). This suggested a high rate of false positives was being identified by screening tools, and thus subsequent reported analysis used prevalence obtained only from diagnostic clinical interview data (i.e. model 2).

  • bagayaga

    Membre
    28 juillet 2022 à 14 h 10 min

    Quality control

    To ascertain the validity of eligible publications, each researcher checked and independently reviewed a random sample of each others’ papers for data extraction and interpretation consistency. Disagreements were resolved by reviewing the data source and by discussion between the three reviewers (one of whom is an author).Quality control
    To ascertain the validity of eligible publications, each researcher checked and independently reviewed a random sample of each others’ papers for data extraction and interpretation consistency. Disagreements were resolved by reviewing the data source and by discussion between the three reviewers (one of whom is an author).

  • Membre Inconnu

    Membre
    28 juillet 2022 à 14 h 20 min

    Le passage que tu as recopié répond partiellement. Il y est question de “faux positifs”. Il y a donc eu des postulats et des exigences peut être plus spécifiques qu’en temps normal, mais l’étude est extrêmement synthétisée dans le lien que tu as partagé (faute d’espace ou de choix éditoriaux). On ne peut pas présumer de ses qualités, ni de ses manquements.

    Sinon, pour ce qui est de l’anglais, tu peux te fier à Deeple. Tu devrais essayer @bagayaga .
    https://www.deepl.com/translator

  • bagayaga

    Membre
    28 juillet 2022 à 19 h 06 min

    @jabberwocky

    Merci! Je voulais commenter, mais je devais partir au taff.

    Pour dire qu’en effet ils y avaient pensé.( Au faux positifs.)

    Par contre t’as vu? Dans les remarques à la fin, ils s’inquiètent aussi des faux négatifs.

    Je l’ai parcouru dans ses différentes rubriques, sur la droite.

    Ce que j’ai trouvé cool c’est la bibliographie. Il y a des liens vers d’autres études pour étoffer le fond théorique. Ce qui peut encore mener vers d’autres précisions.

    @olbius me l’a déjà conseillé ce traducteur. Qui est soit dit en passant, très efficace! Merci tout de même !

  • le_bacteriophage

    Membre
    28 juillet 2022 à 22 h 08 min

    @jabberwocky

    Merci beaaaaucoup pour tout ça. J’aimerai te répondre rapidement mais je manque un peu de temps. Je ne sais pas jusqu’à quand tu restes sur le forum mais je vais faire de mon mieux pour t’apporter une réponse dans trop tarder.

    Je ne savais pas trop ce que tu allais en dire mais cette posture critique me plaît beaucoup et je me doutais un peu que tu allais la prendre.

    A la base, quand j’ai posté ce sujet, ce n’était pas tant pour le sujet qui se tourne vers les troubles psychiques mais par rapport au fait que je voulais chercher à creuser un peu les chiffres de la délinquance par rapport à ceux qu’on voyait en période électorale et aller tenter de raisonner un peu à l’inverse de ce qu’on voit un peut partout sur la grande nécessité d’envoyer un peu tout le monde en prison alors que je pense que c’est contre-productif.

    Je te fais un retour complet dès que je peux passer du temps sur le forum.

  • Membre Inconnu

    Membre
    29 juillet 2022 à 19 h 34 min

    A la base, quand j’ai posté ce sujet, ce n’était pas tant pour le sujet qui se tourne vers les troubles psychiques mais par rapport au fait que je voulais chercher à creuser un peu les chiffres de la délinquance par rapport à ceux qu’on voyait en période électorale et aller tenter de raisonner un peu…

    @le_bacteriophage

    Les chiffres ne veulent rien dire en soi. A la fin du dix-neuvième siècle, Gustave Lebon dans son ouvrage “Psychologie des foules” démonte l’incontournabilité absolue des statistiques dans la mesure où les chiffres sont non seulement manipulables, mais que dès l’énoncé du postulat on peut facilement faire en sorte d’obtenir les chiffres que l’on souhaite. Ca fait deux siècles…

    J’aime bien évoquer l’exemple des fémicides qui est un cas d’école en matière de manipulation politique, chiffres à la clefs, en fournissant d’autre chiffres tout aussi embarrassants (et vérifiables).

    Quand on parle de féminicides, on comptabilise uniquement les violences conjugales ayant entrainées la mort. Cela représente 146 victimes sur 1026 (chiffres ministère de l’intérieur) homicides, soit 14 % des meurtres. Les viols suivis de meurtres ne sont pas comptabilisés par le ministère, ce qui fausse dans un sens ce pourcentage. On peut imaginer que le chiffre réel est donc supérieur, mais pas nécessairement significatif puisqu’il a été écarté des statistiques.

    Cela étant dit, la même année on dénombre 255 infanticides sur des nourrissons dont 212 ont été commis par des femmes. Sachant que 70 % des infanticides sur des enfants allant de 0 à 16 sont commis par des femmes contre 25 % par des hommes – la proportion de tueuses diminue à mesure que l’âge des victimes progresse ; on serait donc en droit d’inventer un terme pour stigmatiser les femmes coupables de ce type de violence (familiales). Ces chiffres proviennent de L”Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP).

    Par ailleurs les viricides, c’est-à-dire des violences conjugales féminines ayant entrainées la mort d’une personne de sexe masculin ne sont pas comptabilisées. Ce type de crime n’est pourtant pas si rare que cela. Les différences tiennent dans le mobile (pécunier et passionnels) et le procédé qui est très souvent le fait d’un tiers. On peut citer les affaires Paul Mistler, Rita Hug Staub ou Nicole Zawadzki (la plus hallucinante de toutes).

    Cet oubli pose un problème important. Un commanditaire de meurtre est il un meurtrier au même titre que l’exécuteur de ce même meurtre ? La question se pose puisque dans les trois exemples que je cite, les assassins ont été manipulés par le commanditaire (dans la logique de la novlangue, je devrais dire LA commanditaire).

    A partir du moment où les statistiques excluent le genre dans certains cas et pas dans d’autres, on ne peut tirer aucune conclusion sur la répartition réelle des meurtres en dehors du fait que le calcul des statistiques est discriminant à l’encontre des hommes par omission.

    Voilà comment à partir de chiffres exactes, d’associations douteuses et de cas dont je ne peux certifier la fréquence (bien que réels), je construis un discours en toute mauvaise foi, dans lequel je minimise les violences conjugales et induis que la notion de féminicide est discriminante.

    Je mens donc par omission et par litote pour mieux assoir un message politique contre les féministes (même si pour le coup je pense sincèrement que le terme féminicide est discriminant)

    En conclusion, tu ne peux pas te baser uniquement sur des chiffres balancés par un politique ou par un journaliste sur un plateau télé. Tu dois fouiller par toi-même et même entendre des points de vues contradictoires pour pouvoir te rapprocher de la réalité.


    …à l’inverse de ce qu’on voit un peut partout sur la grande nécessité d’envoyer un peu tout le monde en prison alors que je pense que c’est contre-productif.

    Ne penses-tu pas que c’est un poil caricatural comme constat ?

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