Tout savoir sur le biais de négativité
Le biais de négativité, ou effet de négativité, est un biais cognitif dont nous avons tous entendu parler, même s’il demeure moins populaire que, par exemple, le biais de confirmation, l’effet Dunning-Kruger ou même, spécialement auprès des adultes Haut Potentiel Emotionnel (HPE) ou Haut Potentiel Intellectuel (HPI), l’effet Barnum.
Qu’est-ce que le biais de négativité ? Définition
Avez-vous déjà remarqué que, plus vous avancez en âge, plus vous avez tendance à céder aux charmes du “c’était mieux avant” ? Et si ce n’était pas vraiment mieux avant ? Et si vous étiez simplement victime du biais de négativité, qu’un certain enthousiasme juvénile ne parvenait plus à compenser, les années passant ?
Comme son nom l’indique, le biais de négativité est un biais qui nous conduit à donner plus d’importance à une information négative (par rapport à une information positive, évidemment).
Par conséquent, ce biais nous amène à penser et agir plus fortement selon nos expériences ou émotions négatives. Des restes d’instinct de survie, probablement.
Je suis pessimiste par l’intelligence mais optimiste par la volonté.
Antonio Gramsci
(retrouvez d’autres citations sur l’intelligence)
Concrètement, le biais de négativité peut se manifester sous différentes formes :
Attention accrue aux stimuli négatifs
Imaginez que vous êtes patron d’un restaurant. Vous allez jeter un œil à vos avis Google. Et là, parmi des dizaines d’avis positifs, voire dithyrambiques, vous tombez sur un témoignage à 1 étoile, gratuitement hostile. Il y a fort à parier que le poids que vous allez, inconsciemment, accorder à ce stimulus négatif sera exagérément élevé.
Dans le même temps, vous pourriez avoir tendance à minimiser la plupart des messages très positifs, considérant qu’après tout “vous ne faites que votre métier”.
Mémoire prédominante des événements négatifs
La science a depuis longtemps confirmé ce que nous savions déjà, intuitivement : les émotions ressenties lors d’un événement joue un rôle déterminant dans la façon dont nous nous rappelons celui-ci. Et, plus généralement, sur le simple fait de se souvenir de lui !
Il se trouve que l’être humain tend à mémoriser plus facilement les expériences négatives que les expériences positives.
Il faut cependant noter que d’autres phénomènes peuvent entrer en jeu et rendre les souvenirs flous voire absents dans le cas d’émotions particulièrement fortes, que celles-ci soient positives ou négatives d’ailleurs. C’est la raison pour laquelle il est possible que vous n’ayez conservé, malheureusement, qu’un souvenir très partiel du “meilleur concert de votre vie”.
Conséquence directe : nous pouvons nous rappeler plus facilement des erreurs commises, de différents échecs, voire de traumatismes, que des petites joies ou même des grandes réussites…
On parle alors de biais de rappel.
Influence accrue des émotions négatives
Dans le même ordre d’idée, nous sommes plus susceptibles d’être influencés par une émotion négative que par une émotion positive… ou “neutre”. Si nous sommes exposés à des techniques du type “la carotte et le bâton”, nous serons ainsi plus enclins à considérer plus fortement une punition que des dizaines de récompenses. Avec les conséquences que cela implique dans notre perception, notre analyse d’une situation.
Comment lutter contre le biais de négativité ?
Vous ne voulez pas devenir un “vieux con” de manière précoce ? 😉 Il faut en premier lieu prendre conscience que ce biais est à l’oeuvre. Et que s’il est, bien entendu, propre à chaque individu, personne n’en est à l’abri !
Précisons à ce sujet qu’il existe aussi… le biais de positivité. Qui, vous l’aurez compris, consiste à accorder plus d’importance aux informations positives et à minimiser celles qui sont négatives. Oui, sur le papier, cela semble préférable. Mais allez dire cela à tous les chefs d’entreprise qui ont fait faillite faute d’avoir été capable de considérer suffisamment certaines info qui auraient dû les inciter à la prudence. Ou à certaines personnes qui ont tenté de gravir l’Everest en tongs – qu’est-ce qui pourrait mal tourner, on se le demande bien 😉
Mais revenons à notre bon vieux biais de négativité… Il va de soi que cela peut nous conduire à “tout voir en noir” ce qui, avouons-le, n’est pas très joyeux 😉 Et peut conduire à du mal-être persistant, un manque d’estime de soi, un syndrome de l’imposteur, voire à une dépression. Une difficulté à prendre des décisions, qui peut alimenter une tendance à la procrastination, peut aussi découler de cette propension à voir le négatif plus que le positif. A l’extrême, cela peut donner une paralysie, liée à une anxiété généralisée : le sujet ne peut plus faire un pas, par crainte des conséquences négatives potentielles.
Pour faire face à ce biais, il peut être utile de s’encourager, de s’autoriser à la pratique quotidienne de la gratitude, et, plus généralement, de se “forcer” à prendre le temps de fixer notre attention sur des éléments positifs. Sans le faire sous l’angle du “il y a pire que moi”, bien entendu 🙂
Le pessimisme de l’intelligence, l’optimisme de l’action. Ce pourrait être ma devise.
Bernard Tapie
Biais de négativité et douance
Compte tenu de certaines caractéristiques liées au Haut Potentiel, il est possible que les zèbres soient plus exposés que la moyenne au biais de négativité.
Il ne s’agit bien entendu que d’hypothèses, qui resteraient à valider ou invalider en suivant des méthodes scientifiques.
Divers traits peuvent ici entrer en jeu :
Sensibilité émotionnelle accrue
Il est communément admis que les surdoués présentent une sensibilité émotionnelle supérieure (en degré) ou à tout le moins différente (en nature), par rapport à la norme.
Partant, un HP peut encaisser plus violemment une remarque, un reproche, une critique qu’il ne le “devrait”… Et, à mesure que l’expérience se répète, s’enfermer d’autant plus rapidement dans un biais de négativité devenu chronique.
Attentes élevées et perfectionnisme
Dans leur quête de perfection, les surdoués peuvent également tomber dans le piège d’une éternelle insatisfaction. Quand cette attente excessive est dirigée vers lui, l’adulte HP peut se dévaloriser, mais il dispose ici, tout de même, d’un levier de contrôle. En revanche, lorsqu’elle cible autrui, elle peut le conduire à regarder avec de plus en plus de mépris et de fatalisme l’Humanité dans son ensemble, et à s’isoler ainsi socialement.
La bulle cognitive reste le terreau idéal pour les biais, quels qu’ils soient.
Pensée critique et analyse approfondie
La faculté qu’ont les zèbres à percevoir des détails qui restent parfois invisibles à l’autre peut les amener à trouver, mécaniquement, des choses qui ne vont pas. La perfection n’est pas de ce monde…
Si, dans le même temps, le surdoué se trouve en haut de la montagne de la stupidité (voir l’effet Dunning-Kruger), il peut alors aisément se croire supérieur à tout le monde.
Comme entendu lors d’une conférence TEDx il y a des années de ça, avec un (gros) trait d’humour bien entendu : “si tout le monde faisait de la gestion de projets au moins une fois dans sa vie, il n’y aurait pas de complotiste”. Car les gens réaliseraient alors à quel point les problèmes, difficultés, retards, imprévus, bugs etc. font partie intégrante d’un projet, quel qu’il soit. Et qu’a fortiori, plus celui-ci est ambitieux, plus le nombre d’éléments négatifs qui se présenteront sera élevé.
Sensibilité à l’injustice et à l’inéquité
Être idéaliste, c’est bien. Être idéaliste avec le sens des réalités, c’est (beaucoup) mieux 🙂
Là encore, le surdoué, par son désir d’absolu, peut ne jamais se satisfaire du monde qui l’entoure. En effet, sauf à imaginer un “Dieu surdoué”, qui pourrait modeler chaque individu à son image (mais quid de la liberté ?), il est impossible d’imaginer un monde 100% parfait aux yeux de chaque Haut Potentiel du monde.
En découle un risque certain : voir, toujours, le verre à moitié vide, et être ainsi incapable de prendre conscience des avancées. Que l’on parle d’égalité femme-homme, de droits des minorités, d’écologie… Il y aura toujours, par définition, des inégalités. Et des “trous dans la raquette”.
Ne pas le réaliser c’est non seulement s’exposer à être soi-même un éternel insatisfait, mais aussi à entreprendre des actions qui pourraient se révéler contre-productives. Et accroitre, ainsi, le problème que l’on prétend combattre.
Peut-être est-il préférable de n’utiliser des expressions du type “prise de conscience” qu’avec une grande prudence ? Et de leur préférer d’autres formules plus neutres, telles que “sensibilisation”.
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