Dissonance cognitive

Vous avez certainement déjà entendu parler de dissonance cognitive, un des biais cognitifs les plus populaires ces dernières années. Et si ce n’est pas le cas… Sans doute avez-vous, dans votre entourage, quelqu’un qui semble souvent se débattre dans des contradictions. De quoi parle-t-on ?

Par ailleurs, une idée reçue tend à imaginer que l’intelligence met à l’abri de phénomènes tels que celui-ci. Mais est-il vrai que le Haut Potentiel Emotionnel (HPE) ou le Haut Potentiel Intellectuel (HPI) protège, au moins en partie, de la dissonance cognitive ?

On fait le point.

Qu’est-ce qu’une dissonance cognitive ? Définition

La dissonance cognitive est un concept de psychologie développé par le psychologue américain Leon Festinger en 1957. Il se réfère à la tension ou au malaise ressenti par une personne lorsqu’elle détient simultanément deux croyances, attitudes ou idées contradictoires, ou lorsque ses actions contredisent ses croyances ou attitudes.

dissonance cognitive covid 19
Une dissonance cognitive classique chez les antivax épisode covid

En d’autres termes, la dissonance cognitive survient lorsque nous nous trouvons dans une situation où nos pensées, nos croyances ou nos actions ne sont pas en harmonie les unes avec les autres.

Cela crée un sentiment de malaise psychologique qui nous pousse à chercher des moyens de réduire cette dissonance et de restaurer une cohérence interne.

Attention : cela ne signifie aucunement qu’une personne qui souffre de dissonance est stupide ! Penser cela serait… idiot 😉 Il s’agit bien d’un biais cognitif, et non d’une mesure du niveau d’intelligence.

L’intelligence d’une personne est reflétée par le nombre d’opinions contradictoires qu’elle peut avoir sur un sujet.

Lisa Alther

(voir d’autres citations sur l’intelligence)

Réduction de la dissonance cognitive

dissonance cognitive tension malaise
La dissonance cognitive crée une tension, un malaise

Pour faire face à cette dissonance, par nature désagréable (rappelons que le stress lui-même, par définition, est une difficulté temporaire d’adaptation, et que l’être humain, quel qu’il soit, cherche naturellement à éviter toute source de stress sauf, bien entendu, si la récompense attendue surpasse la sensation désagréable prévue), les individus ont tendance à adopter différentes stratégies de réduction de la dissonance cognitive.

Voici quelques exemples notables.

Modifier ses croyances ou attitudes

Les personnes peuvent changer leurs convictions ou leurs opinions afin de les aligner avec leurs actions ou leurs expériences.

Par exemple, si quelqu’un fume malgré la connaissance des dangers pour la santé, il peut minimiser les risques pour se sentir moins en conflit, et/ou augmenter les dangers d’autres pratiques, afin de relativiser ceux-ci. Ou encore affirmer qu’ “il faut bien mourir de quelque chose”, ou encore que “vivre c’est prendre des risques”.

Intelligence militaire est une contradiction.

Groucho Marx

Un politique, dans le même genre d’idée, peut passer d’une conviction à une autre en apparence totalement opposée, en l’espace de quelques années, voire de quelques mois. S’il est exposé à cette contradiction, qui peut lui valoir l’accusation d’être une “girouette”, il aura tendance à chercher un refuge d’apparence rationnelle, par exemple à l’aide du biais d’attribution.

On peut parler parfois de post-rationalisation (terme généralement utilisé dans des domaines tels que le marketing). Par exemple, un individu qui hésite fortement entre l’achat d’un véhicule à essence et celui d’un véhicule électrique peut, une fois sa décision prise, reconstruire rapidement un narratif qui visera à le conforter dans l’idée qu’il a pris la bonne décision. Ceci quitte, naturellement, à oublier certains points qui avaient pu le faire légitiment hésiter à un moment.

La zone de confort semble être à ce prix 😉

Chercher des informations justificatives

Les individus peuvent rechercher des informations ou des arguments qui confirment leurs croyances ou actions, tout en ignorant ou en minimisant les informations contraires.

On est ici en plein dans des biais tels que le biais de confirmation, un biais redoutable à l’heure ou l’accès à n’importe quel avis sur n’importe quel sujet est trouvable facilement, quasi immédiatement, sur internet – notamment grâce aux réseaux sociaux de masse et aux plateformes de blogs.

Naturellement, plus l’individu adoptera ce mode de fuite, plus il risque de se déconnecter de certaines réalités. Il ne serait pas surprenant que les sectes soient remplies d’individus ayant été exposés à de fortes dissonances cognitives et ayant trouvé refuge dans un milieu fermé au sein duquel leurs croyances ont été renforcées à la hauteur des dissonances initialement vécues.

Rationaliser ses actions

Les gens peuvent inventer des raisons ou des excuses pour expliquer pourquoi leurs actions ne sont pas si incohérentes qu’elles en ont l’air.

Par exemple, une personne pourrait dire qu’elle fume principalement pour gérer le stress, réduisant ainsi la tension cognitive entre fumer et la santé.

Et de fait, la réponse peut être, comme ici, acceptable. Du moins dans une certaine mesure. Car un niveau de stress élevé peut aussi avoir des effets délétères, surtout si le stress devient chronique. Le sujet serait ici, plutôt, de savoir si d’autres façons de combattre le stress ne seraient pas préférables, en tout cas sur le moyen et long terme.

Tout est poison, rien n’est poison : c’est la dose qui fait le poison.

Paracelse

Dans tous les cas, il s’agit d’un point souvent négligé par les campagnes de communication autour des questions de santé, même si la situation semble s’améliorer lentement au fil des années, du moins dans certains domaines. Car en pointant violemment du doigt les dangers du tabac, on crée ainsi du stress chez le fumeur, qui peut alors tout à la fois rejeter cette information, trop anxiogène, peut-être exagérée à ses yeux (le “virus de la peur”), tout en allumant une cigarette, associée dans son esprit à une sensation de détente, de bien-être.

Éviter la situation

Plutôt que de faire face à la dissonance, certaines personnes peuvent simplement éviter les situations qui les mettent en conflit interne.

Quoi de mieux, par exemple, si vous êtes convaincu que le communisme est incontestablement la voie à suivre pour l’humanité, que de balayer tout rapport mettant en lumière la misère, les famines, la violence observées dans tel ou tel pays… Au motif que “ce n’était pas le vrai communisme”. Voire que ce n’était pas du communisme du tout, mais du “capitalisme d’Etat”. Car vous en êtes convaincu : le capitalisme est l’ennemi. Et l’on vient involontairement de vous en donner une nouvelle preuve !

Et à l’avenir, inutile de vous mettre en tension : le communisme n’a jamais été appliqué. Ceux qui affirment le contraire refusent de l’entendre, c’est leur problème et pas le vôtre. Fin du débat.

La dissonance cognitive a des implications importantes dans de nombreux domaines, notamment en marketing, en prise de décision, en persuasion et en comportement social. Les publicitaires, par exemple, exploitent souvent la dissonance cognitive pour influencer les consommateurs à acheter un produit en créant un sentiment de déséquilibre entre leur comportement d’achat et leurs croyances préexistantes. Les politiques usent des mêmes techniques pour orienter les votes.

Dissonance cognitive et douance

Il n’y a pas de preuve empirique solide pour affirmer que les surdoués sont nécessairement plus concernés par la dissonance cognitive que les individus non surdoués. La dissonance cognitive est une expérience psychologique commune qui peut toucher tout le monde, indépendamment de leur niveau d’intelligence ou de leurs capacités.

des croyances contradictoires
Deux croyances contradictoires…

Cependant, il est possible de spéculer sur certaines raisons pour lesquelles les zèbres pourraient être plus enclins à expérimenter la dissonance cognitive dans certaines situations.

Haute sensibilité intellectuelle

Les HP peuvent être plus sensibles aux contradictions et aux incohérences, ce qui pourrait augmenter leur perception de la dissonance cognitive. Leur capacité à analyser en profondeur les idées et les informations pourrait également les amener à repérer plus facilement les situations contradictoires.

Mais dans le même temps, il n’est pas déraisonnable de penser que s’ils sont peut-être plus capables de repérer des dissonances chez les autres, ils n’en sont pas pour autant protégés pour eux-mêmes. Pour aller plus loin, certaines croyances pourraient les enfermer dans des bulles cognitives, à commencer par celle de penser qu’étant zèbre ils sont nécessairement plus intelligents et/ou compétents que la personne qui leur fait face. Voir notamment les notions d’effet Dunning-Kruger et d’ultracrépidarianisme.

Par ailleurs, sans doute n’est-il pas inutile de bien faire la différence entre les caractéristiques du HPE et les caractéristiques du HPI.

Attentes élevées

Les surdoués peuvent avoir des attentes élevées envers eux-mêmes et être plus critiques envers leurs propres performances. Cela pourrait les pousser à ressentir une dissonance lorsque leurs réalisations ne correspondent pas à leurs propres normes ou à celles des autres.

Cet effet, pouvant aller jusqu’au perfectionnisme, peut paradoxalement habituer les HP à vivre en dissonance au quotidien, et donc à être d’une certaine façon désensibilisé, au moins partiellement. Ou, pour le dire autrement, à voir des dissonances là où celles-ci sont faibles, voire inexistantes, et à ne pas percevoir des dissonances plus évidentes.

Un psychologue spécialisé Haut Potentiel peut aider à éclaircir certaines situations.

Complexité des pensées

En raison de leur pensée complexe et de leur capacité à percevoir des nuances, les surdoués pourraient être plus susceptibles de remarquer des discordances dans les informations ou les arguments qu’ils rencontrent. Cela pourrait les exposer davantage à la dissonance cognitive.

Cependant, là aussi, il ne faut pas adhérer pour autant à une lecture simpliste, linéaire, du sujet, qui conclurait à une supériorité systématique du zèbre. Plus probablement, le HP pourrait remarquer des dissonances qui ont échappé à autrui, mais passer à côté d’autres pourtant a priori plus visibles.

Sensibilité sociale

Les surdoués peuvent avoir une sensibilité sociale accrue et être plus conscients des attentes et des opinions des autres. Cela pourrait les amener à ressentir une dissonance lorsque leurs propres valeurs ou croyances entrent en conflit avec celles de leur environnement social.

Bien entendu, chaque individu est unique et présente notamment des niveaux d’intelligence intrapersonnelle et d’intelligence interpersonnelle qui lui sont propres.

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