Tout savoir sur le biais du survivant
Le biais du survivant, parfois nommé “biais des survivants“, est un biais cognitif qui ne figure certainement pas parmi les plus faciles à identifier – et donc à combattre. Il reste un des biais les plus connus, aux côtés du biais de confirmation, de l’effet Dunning-Kruger, ou encore de l’effet Barnum, particulièrement connu des Haut Potentiel Emotionnel (HPE) et des Haut Potentiel Intellectuel (HPI).
Explications.
Qu’est-ce que le biais du survivant ? Définition
On parle de “biais du survivant” lorsque l’on ne retient, lors d’une analyse, que les éléments ayant “survécu” à différents phénomènes, en oubliant donc tous ceux qui sont “morts” ou ont été “blessés” au champ de bataille. Ou, plus simplement, ont été éliminés (“vous êtes le maillon faible, au revoir”), ont échoué, ou ont abandonné d’eux-mêmes en cours de route.
C’est un biais qui est particulièrement important dans certains domaines scientifiques, comme par exemple les sciences humaines, les sciences sociales, l’économie, les statistiques… Et tout ce qui touche à la médecine, bien évidemment.
Ainsi, pour prendre un exemple récent : durant l’épidémie de Covid-19, de nombreuses personnes ont relayé l’idée selon laquelle être contaminé protège mieux de la contamination que d’être vacciné (!). Il s’agit d’ailleurs d’un biais souvent présent dans les raisonnements anti-vaccins. Alors que, précisément et bien évidemment, une des idées principales du vaccin en général est de réduire l’impact de la première contamination. Bien sûr, si l’on met de côté les décès dus au Covid-19 mais aussi les symptômes de type “Covid long”, ou encore les impacts qu’une contamination a pu avoir dans la vie de la personne (comme un arrêt maladie de plusieurs jours, avec peut-être une perte d’emploi à la clé), on peut en conclure que la meilleure des protections contre la maladie reste encore de l’attraper !
Autre exemple : les concours d’admission dans les écoles ou les universités. Le biais du survivant peut conduire à conclure qu’il est moins difficile d’entrer à HEC que dans une école de bas de tableau, si l’on se base uniquement le ratio admis vs candidats pour en déduire un taux de sélectivité.
Idem si l’on compare ceci avec la sélectivité en fac de médecine : combien d’étudiants ont abandonné entre le premier jour de cours et celui des premiers partiels ? Selon que l’on se base sur le nombre d’étudiants en tout début d’année ou sur celui de ceux ayant réellement passé les examens, les conclusions sont déjà très différentes. Et, malgré tout, reste toujours largement biaisées.
Biais du survivant : la genèse
L’Histoire a retenu que le concept est apparu durant la Seconde Guerre Mondiale. Alors que des avions revenaient du front, certains chercheurs ont analysé les impacts et dégâts subis par les appareils et ont recommandé, “fort logiquement”, de renforcer les parties les plus abîmées.
L’intelligence est basée sur l’efficacité avec laquelle une espèce est devenue capable de faire les choses dont elle a besoin pour survivre.
Charles Darwin
(vraiment, Monsieur Darwin, est-ce si simple ? 😉 Retrouvez d’autres citations sur l’intelligence)
Sauf que les apparences peuvent être trompeuses… C’est ce que, dans ce cas précis, Abraham Wald, statisticien, a révélé : il a, à l’inverse, conseillé de consolider les composantes les moins touchées. Pourquoi ? Tout simplement car cela signifiait qu’un impact, même mineur, sur une de ces parties, et l’avion touché ne rentrait jamais au bercail !
Biais du survivant et économie
Parmi les cas très fréquents de biais du survivant dans nos sociétés modernes, on trouve l’exemple de ces nombreuses études qui se concentrant sur des succès d’entreprise. C’est évidemment oublier un peu vite toutes celles qui ont échoué – et sur lesquelles on ne dispose sans doute, par définition, que de bien peu de données.
Au final, on aboutit souvent à une surestimation des chances de réussite, tout en sous-estimant les risques réels pour les nouveaux entrants sur un marché.
Il s’agit d’ailleurs d’un des facteurs qui peuvent expliquer l’explosion des bulles économiques. Ainsi, l’explosion de la première bulle internet, en l’an 2000 : d’innombrables modèles se basaient sur des hypothèses irréalistes, et le phénomène a tendu à s’auto-entretenir et à s’accélérer (euphorie), jusqu’à l’explosion inévitable (mur de la réalité suivi d’une période de dépression).
Il convient donc de veiller à tenir compte de l’ensemble des données, et de faire ainsi l’effort de ne pas se limiter au(x) survivant(s) pour dresser ses conclusions.
Biais du survivant et douance
Si aucune étude n’est venue mettre en évidence une propension particulière, chez les surdoués, quelques éléments sont intéressants à évoquer.
Identification sélective
Ici, précisément, le biais du survivant peut intervenir lors des études sur les zèbres. Cas classique : ne tenir compte que des adultes à Haut Potentiel qui ont non seulement passé des tests mais aussi obtenu des résultats sensiblement hors norme, sur tous les items, ou au moins sur l’un d’entre eux.
Ne retenir que cet échantillon est extrapoler les conclusions à l’ensemble de la population des surdoués est évidemment une solution de facilité, mais aussi – et surtout – l’assurance de conclusions partielles voire erronées.
Il n’est ainsi pas étonnant que l’on ne sorte que difficilement, année après année, du cliché du petit génie brillant dans toutes les matières à l’école, avec de grandes facilités, sans forcément beaucoup travailler, pour réaliser que les profils surdoués sont en réalité extrêmement divers.
Sans parler de la question du Faux Self…
Succès académique
Dans le même genre d’idées, si l’on considère que les surdoués ont généralement plus de chances de réussir leur parcours scolaire, on peut là aussi tomber dans la facilité et “oublier” que bon nombre d’HP abandonnent l’école en cours de route (ennui, difficultés, mode de fonctionnement incompatible, envie d’ailleurs…). Dans le même temps, comment tenir compte de tous ceux qui n’ont pas été détectés ? Un sacré défi.
Sans compte les nombreux tabous et idées reçues qui entourent ce type de sujets. Une chose est certaine : si l’on ne cherche pas, on ne risque pas de trouver 😉
Bien-être émotionnel
Enfin, si l’on souhaite étudier la question du bien-être des surdoués, il est possible d’arriver à des conclusion bien différentes, selon que l’on se concentre sur les zèbres qui présentent des signes positifs de santé mentale, sur ceux qui viennent consulter, par exemple, un psychologue spécialisé Haut Potentiel, ou encore sur ceux qui vont mal et sont isolés.
Se rappeler également, toujours, que corrélation n’est pas causalité.
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