Tout savoir sur le déficit d’inhibition latente
On lit, on entend souvent que le déficit d’inhibition latente, ou inhibition latente cognitive peu active, serait une caractéristique fréquemment observée chez les Haut Potentiel Intellectuel voire chez les Haut Potentiel Emotionnel.
De quoi parle-t-on exactement ? Et s’agit-il vraiment d’une des caractéristiques du HPI ?
On fait le point.
Qu’est-ce que l’inhibition latente ? Définition
L’inhibition latente est un concept issu de la psychologie et des sciences cognitives qui décrit le phénomène selon lequel un stimulus qui a été précédemment ignoré ou supprimé peut ensuite être reconnu et traité plus efficacement lorsqu’il est présenté à nouveau.
En d’autres termes, même si une information a été initialement inhibée ou ignorée par le cerveau, cette inhibition peut être levée plus tard lorsque le même stimulus est présenté à nouveau.
Et vice-versa 🙂
Ce phénomène suggère que le cerveau ne traite pas nécessairement toutes les informations de manière égale à un moment donné. Au lieu de cela, il peut filtrer ou supprimer certaines informations qui ne semblent pas pertinentes ou importantes, à tel ou tel instant.
Cependant, ces informations supprimées peuvent être stockées dans une forme latente dans le cerveau et être accessibles plus tard si nécessaire… L’idée étant que cela ne se produise que si et seulement si, précisément, nécessité il y a.
Si on pouvait entendre tous les sons de la terre, on deviendrait fou.
Charlie Parker, dans le film Bird (1988)
L’inhibition latente est souvent étudiée dans le cadre de la perception et de l’attention. Par exemple, une personne peut initialement ignorer un bruit de fond constant dans son environnement. On a tous fait l’expérience d’un voisin qui se met à tondre la pelouse alors qu’on est dans le silence d’une salle d’examen : tout le monde est déconcentré lorsque le bruit se déclenche, le professeur (ou le surveillant) râle un peu et chacun se replonge, plus ou moins facilement, dans son travail.
Si ce bruit change soudainement ou devient soudainement plus fort, c’est-à-dire qu’il change en termes de nature ou de degré, elle peut alors commencer à y prêter attention. Si l’on reprend l’exemple précédent, si le bruit de la tondeuse augmente soudainement, la classe sera soudainement perturbée de nouveau. De même, s’il reste constant mais que vient s’ajouter celui d’une tronçonneuse, le résultat sera le même.
Cela montre comment l’inhibition initiale peut être levée lorsque les circonstances changent et que le stimulus devient soudainement plus pertinent.
Il est particulièrement intéressant de constater, d’ailleurs, que bon nombre de personnes trouvent très agréable de travailler installées dans un Starbucks, et peuvent avoir des difficultés à le faire à leur domicile. Le bruit de fond agit ici comme un élément de contexte, rassurant : outre ce que certains qualifieront d’ “énergie du lieu”, l’environnement est (surtout…) considéré comme sûr par l’individu. Si le Starbucks devient soudainement silencieux, ce dernier sera alors déconcentré de sa tâche en cours : le silence est alors anormal, donc signe de danger. Un des nombreux héritages de l’homme préhistorique…
La théorie de l’habituation aux acouphènes repose d’ailleurs sur cette idée : l’acouphène, ce bruit intérieur parasite, finirait par être mis de côté par le cerveau, ce dernier finissant par “comprendre” que le bruit n’a pas de sens, pas d’intérêt : il “choisirait” alors de ne pas le traiter ou, pour le dire autrement, de ne pas le faire remonter à la conscience.
Selon cette vision, l’habituation serait l’évolution naturelle pour tous les acouphéniques, quelle que soit l’intensité des sifflements/bourdonnements d’oreille. Grosso modo, la seule chose qui pourrait ralentir le processus serait le fait d’attribuer un ressenti émotionnel négatif à ces bruits chroniques. Malheureusement, comme nous allons le voir, la réalité est un peu plus complexe…
L’intelligence n’est pas la capacité de stocker des informations, mais de savoir où les trouver.
Albert Einstein
(voir d’autres citations sur l’intelligence)
Mais comment est-il possible de présenter un déficit en la matière ?
Quelles sont les causes d’un déficit d’inhibition latente ?
Les causes d’un déficit d’inhibition latente peuvent être multifactorielles et peuvent varier d’une personne à l’autre. Il faut garder à l’esprit que nous en sommes encore à la préhistoire en matière de connaissance du fonctionnement du cerveau humain, donc il est raisonnable d’imaginer que ces sujets vont être largement amenés à évoluer dans les années et les décennies à venir.
Néanmoins, il est dores et déjà possible de distinguer quelques facteurs qui semblent pouvoir contribuer, d’une façon ou d’une autre, à un déficit d’inhibition latente.
Facteurs génétiques
Certaines études suggèrent qu’il peut exister une composante génétique dans la variation de l’inhibition latente.
Des différences dans les gènes impliqués dans le fonctionnement du cerveau et du système nerveux central pourraient influencer la capacité d’inhibition chez les individus.
Le débat entre l’innée et l’acquis sera probablement sans fin, mais il semble déraisonnable de supposer une égalité absolue à la naissance, en matière d’inhibition latente comme ailleurs.
Développement du cerveau
L’acquis, donc… 😉 Bien évidemment, les altérations du développement cérébral pendant la petite enfance ou l’adolescence pourraient influencer la capacité d’inhibition latente.
Des facteurs tels que l’exposition à des toxines, des infections ou des traumatismes crâniens pendant cette période critique de développement pourraient perturber les circuits neuronaux responsables de l’inhibition.
Difficile cependant, à ce stade, d’affiner l’analyse.
Troubles neurologiques ou psychiatriques
Certains troubles neurologiques et psychiatriques, tels que le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), l’autisme, la schizophrénie, ou d’autres conditions caractérisées par des altérations dans le fonctionnement cognitif, semblent pouvoir être associés à un déficit d’inhibition latente.
Et, comme je le disais en préambule, le Haut Potentiel est également fréquemment cité. Ajoutons-le donc, à ce stade, à la liste des neuro-atypies susceptibles d’être liées d’une façon ou d’une autre au déficit d’inhibition.
Facteurs environnementaux
Des expériences environnementales telles que le stress chronique, les traumatismes ou les expositions à des substances toxiques peuvent également influencer la capacité d’inhibition latente. Et si l’on adopte une vision holistique, on comprend rapidement qu’il est bien difficile de démêler tout ça..
Ainsi, des environnements instables ou traumatisants peuvent affecter le développement cérébral et altérer le fonctionnement des circuits neuronaux impliqués dans l’inhibition. C’est la raison pour laquelle, par exemple, un enfant ayant subi des maltraitances peut avoir tendance à devenir un adulte hypervigilant : cette “hypersensibilité”, développé initialement en tant que moyen de survie (coucou le cerveau hérité de nos ancêtres), serait devenue chronique au fil des années et causerait alors, à l’âge adulte, plus de mal que de bien.
Un classique, malheureusement… 🙁
Dysfonctionnements neurochimiques
Des déséquilibres dans les neurotransmetteurs ou les substances chimiques du cerveau, tels que la dopamine, la sérotonine ou le glutamate, pourraient également contribuer à un déficit d’inhibition latente. Ces substances chimiques jouent un rôle crucial dans la régulation de divers processus cognitifs, y compris l’inhibition.
Là encore, gardons à l’esprit que les connaissances actuelles restent maigres. Ainsi, le lien entre la dépression et la sérotonine, autrefois considéré comme établi, est largement remis en cause ces dernières années.
La science nous invite toujours à rester humble devant l’étendue de notre ignorance..
Quels problèmes peuvent être liés à un déficit d’inhibition latente ?
Maintenant que nous avons eu un aperçu des différentes causes possibles d’un déficit d’inhibition latente, il est temps de se pencher sur les problèmes que celui-ci peut engendrer. Et ils sont nombreux.
En voici quelques-uns (liste non exhaustive, naturellement…).
Distraction excessive
Vous avez l’impression d’être facilement distrait(e) par des stimuli qui ne sont pas pertinents pour la tâche en cours ? Vous faites peut-être partie des personnes qui souffrent d’un déficit d’inhibition (un gros tiers des individus entreraient dans cette catégorie selon certaines études, donc ne vous sentez pas trop spécial 😉 )…
Ces individus peuvent avoir du mal à filtrer les informations non pertinentes de leur environnement, ce qui peut entraîner une baisse de la performance dans des situations nécessitant une concentration soutenue.
Et une fatigue excessive… D’ailleurs, le burn-out n’est-il pas davantage dû (là encore, selon certaines études) à une difficulté à déconnecter, à se reposer, qu’à une surcharge de travail ?
Bien entendu, dans un monde où les sollicitations sont plus nombreuses que jamais, tout le monde semble avoir bien du mal à se concentrer, même sur des tâches extrêmement basiques. On estime que la capacité d’attention d’un être humain moyen se compte désormais en secondes… Et ce n’est certainement pas un hasard si la notion de pensée en arborescence est si populaire de nos jours.
Il s’agit surtout ici de prendre conscience qu’un déficit de l’inhibition latente rend les choses potentiellement encore plus difficiles à gérer pour l’individu qui en souffre. Et parfois infiniment plus !
Problèmes d’attention
Un faible niveau d’inhibition latente peut être associé à des troubles de l’attention, tels que le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH).
Les personnes atteintes de TDAH ont souvent du mal à inhiber les distractions et à maintenir leur attention sur une tâche spécifique. Mais, comme souvent, il n’est pas toujours facile de faire la différence entre “corrélation” et “causalité” (voir l’effet cigogne). Et quand bien même… Qui de la poule ou de l’œuf était le premier ? 😉
Sensibilité sensorielle accrue
Un déficit d’inhibition latente peut rendre les individus plus sensibles aux stimuli sensoriels, tels que les bruits, les lumières vives ou les sensations tactiles. Cela peut entraîner une hypersensibilité sensorielle, comme par exemple une hypersensibilité auditive, et des réactions exagérées à certains types de stimuli.
A ce titre, souvenons-nous que, contrairement à une croyance largement répandue, une personne autiste n’est pas coupée du monde : elle est, bien au contraire, “trop connectée” à celui-ci.
Difficultés de traitement de l’information
Les personnes présentant un déficit d’inhibition latente peuvent avoir des difficultés à traiter efficacement les informations provenant de leur environnement.
A ce sujet, il faut bien distinguer “performance” et “efficacité” : cette dernière implique un équilibre, seul susceptible de garantir un bon fonctionnement sur le long terme. Pour ceux qui en douteraient… Imaginez une voiture poussée en permanence à 100% de ses performances. Combien de temps faudrait-il pour qu’une panne se manifeste ? Bingo ! 😉
Comment se traduit ce déficit ? De bien des manières… Retards dans la prise de décision, difficultés à organiser les pensées, à comprendre les informations complexes (ce qui peut rendre perplexe, selon la définition de l’intelligence que l’on choisit de retenir).
Problèmes de régulation émotionnelle
Un dysfonctionnement de l’inhibition latente peut également être lié à des difficultés dans la régulation des émotions. Les individus (souvent qualifiés d'”hypersensibles”) peuvent avoir du mal à inhiber les réponses émotionnelles impulsives ou à réguler leurs émotions de manière adaptative.
Je me fatigue, parce que tout me touche et me bouleverse. Je ne suis jamais indifférente. Toute personne que je rencontre m’atteint dans mes sentiments. […] Il faut toujours que je me mêle des vies brisées.
Anaïs Nin
Mais alors, ce déficit est-il plus présent chez les HP que dans la population moyenne ?
Déficit d’inhibition latente et douance ?
La question d’un lien éventuel entre les deux notions mérité d’être posée, étant entendu que les surdoués peuvent présenter des profils cognitifs différents de la population générale.
Néanmoins, en ce qui concerne l’inhibition latente, il n’y a pas de consensus clair sur la manière dont elle pourrait affecter spécifiquement les surdoués.
Il est possible d’envisager cette questions sous deux angles :
- le déficit pourrait être plus fréquent chez les surdoués,
- et/ou le déficit pourrait s’exprimer différemment chez les surdoués.
On peut simplement constater que ce déficit est souvent évoqué dans les livres sur le Haut Potentiel. Mais ne pourrait-il s’agir ici essentiellement d’un biais cognitif, les auteurs se basant sur les HP qu’ils sont amenés à rencontrer, pas forcément représentatifs de l’ensemble des HPI et HPE…?
Certaines recherches suggèrent que les surdoués peuvent avoir une inhibition latente différente de celle des personnes ordinaires. Par exemple, certains surdoués peuvent avoir une capacité accrue à inhiber les distractions et à se concentrer sur des tâches spécifiques, ce qui pourrait contribuer à leur performance académique supérieure dans certaines situations.
Cependant, dans d’autres cas, les surdoués peuvent également présenter des traits associés à un déficit d’inhibition latente, tels que la sensibilité sensorielle accrue ou la tendance à s’ennuyer facilement avec des tâches considérées comme moins stimulantes ou intéressantes.
Nous abordions un peu plus haut la question de la difficulté dans le traitement de l’information et dans la prise de décision en général. Si vous êtes un zèbre, ou que vous pensez l’être, il y a des chances que cela vous parle. Et pour cause… Des études ont montré que si, comme l’on pouvait s’y attendre, un cerveau de surdoué a tendance à traiter des informations fines plus rapidement qu’un cerveau lambda, il peut à l’inverse se montrer moins rapide quand il est question de données plus visibles, évidentes, “grossières”.
Ceci, avec tant d’autres constats, a contribué au fait que la notion de surdouance (ou “surdouement”, pour certains auteurs) a cédé peu à peu du terrain à celle de Haut Potentiel, soulignant ainsi qu’il s’agit plus d’une différence (spectre) que d’une supériorité (lecture linéaire, voire binaire).
Au passage, il n’est pas inutile ici de rappeler que, non, un Haut Potentiel Emotionnel n’est pas quelqu’un qui se laisse envahir par ses émotions (voir les caractéristiques du HPE).
Dans tous les cas, si vous pensez souffrir d’un déficit d’inhibition latente et que cela entraîne des troubles dans votre vie, n’hésitez pas à consulter un psychologue spécialiste du Haut Potentiel.
En 2001, les équipes de recherches de Harvard et de Toronto, conduites par Shelley Carson et Daniel Higgins, ont publié une étude liant le déficit d’inhibition latente et la créativité, mais aussi la schizophrénie. Selon cette étude, quand le QI est élevé, une faible inhibition latente profite à la créativité. À l’inverse, un QI inférieur associé à un déficit d’inhibition latente peut conduire à la schizophrénie, la personne n’étant pas en mesure de traiter toutes ses sensations.
Source : inhibition latente (Wikipédia)
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