Effet cigogne

On l’entend souvent, en particulier si l’on a poursuivi des études scientifiques (étant rappelé que les sciences humaines, par exemple, sont des sciences 😉 ) : “corrélation n’est pas causalité“.

Cependant, il suffit de passer quelques heures en ligne, par exemple sur les réseaux sociaux, pour se rendre compte que la confusion entre “corrélation” et “causalité” est plus que fréquente : c’est un biais cognitif que l’on nomme l'”effet cigogne“.

Malheureusement, être Haut Potentiel Intellectuel ou Haut Potentiel Emotionnel ne suffit pas à protéger de l’effet cigogne. Osons même aller plus loin : la pensée en arborescence, souvent associée au Haut Potentiel et que l’on présente souvent sous un jour particulièrement positif, ne pourrait-elle pas, revers de la médaille, rendre dans certains cans plus vulnérable à l’effet cigogne, c’est-à-dire plus susceptible à la difficulté à comprendre que corrélation n’est pas causalité ?

Faisons le point.

Qu’est-ce que la “corrélation” ? Définition

corrélation (et non causalité)
La corrélation, si souvent confondue avec la causalité…

La corrélation est une mesure statistique qui évalue la relation entre deux variables. Elle décrit la force et la direction de la relation linéaire entre ces variables. En d’autres termes, la corrélation indique dans quelle mesure les variations d’une variable sont associées aux variations d’une autre variable.

La corrélation est souvent mesurée par le coefficient de corrélation, généralement noté “r”. Ce coefficient varie de -1 à +1 :

  • Un coefficient de corrélation de +1 indique une corrélation positive parfaite, ce qui signifie que lorsque la valeur d’une variable augmente, la valeur de l’autre variable augmente également de manière proportionnelle.
  • Un coefficient de corrélation de -1 indique une corrélation négative parfaite, ce qui signifie que lorsque la valeur d’une variable augmente, la valeur de l’autre variable diminue de manière proportionnelle.
  • Un coefficient de corrélation de 0 indique qu’il n’y a pas de corrélation linéaire entre les deux variables, mais cela ne signifie pas nécessairement qu’il n’y a aucune relation entre elles.

Là où cela peut devenir un problème, c’est que notre cerveau humaine (c’est probablement la même chose chez tous les autres animaux 😉 ) se laisse facilement berner, surtout si cela peut lui permettre d’être plus efficace en matière de consommation énergétique 🙂

Pour le dire autrement : intuitivement, le cerveau s’imagine que lorsqu’il a “sous les yeux” une corrélation, cela indique forcément l’existence d’une causalité. Or, la corrélation fournit simplement des informations sur la relation et la manière dont les variables sont associées les unes aux autres. D’autres analyses et expériences sont nécessaires pour établir des relations de causalité.

Ce qui, bien entendu, demande un effort… mais aussi de la méthode (oh mon Dieu quelle horreur !).

Qu’est-ce que la “causalité” ? Définition

causalité (lien)
La causalité, un lien solide

La causalité fait référence à la relation entre cause et effet, où un événement, une action ou une variable (la cause) produit directement un autre événement, un résultat ou une réponse (l’effet).

En d’autres termes, la causalité est le lien qui établit qu’un phénomène particulier est responsable de provoquer un autre phénomène.

Il existe différents types de causalité :

Causalité directe

Quand un événement entraîne directement un autre sans aucune médiation.

Causalité indirecte

Lorsqu’un événement A cause un événement B, qui à son tour cause un événement C.

Causalité inversée

Une situation où l’effet semble être la cause.

La notion de causalité est fondamentale dans de nombreux domaines, notamment en science, en médecine, en économie et en philosophie. Établir une relation de cause à effet est essentiel pour comprendre les mécanismes qui régissent le monde et pour prédire les conséquences de différentes actions ou événements.

Au final, la simple observation d’une corrélation entre deux variables ne prouve pas nécessairement une relation de cause à effet. Pour établir la causalité, il faut généralement :

  • mener des études spécifiques
  • effectuer des expériences contrôlées
  • éliminer d’autres variables pouvant influencer les résultats

C’est plus clair maintenant ? 😉 OK mais qu’est-ce que les cigognes ont à voir là-dedans ? Elles n’ont rien demandé il me semble !

Pourquoi parle-t-on d'”effet cigogne” ?

l'effet cigogne et la naissance des bébés
L’effet cigogne, ou la croyance selon laquelle les cigognes apportent les bébés

Hé bien, c’est tout simple… L’expression “effet cigogne” est souvent utilisée pour illustrer l’idée que la corrélation ne suffit pas à établir une relation de cause à effet.

L’effet cigogne est un exemple classique dans le domaine des statistiques pour souligner que deux phénomènes peuvent être corrélés sans qu’il y ait de relation causale directe.

Par exemple, si l’on observe une corrélation entre le nombre de cigognes dans une région et le nombre de naissances, cela ne signifie pas que les cigognes apportent les bébés.

En réalité, ces deux variables sont probablement liées à une troisième variable, à savoir la taille de la population.

Une fois expliqué, normalement, on comprend. Et l’on sourit de cette image colportée au fil du temps !

Mais, après tout, pourquoi en faire toute une histoire ? C’est tellement mignon une cigogne qui apporte un bébé, et y croire ne peut pas faire de mal, non ? Si, en fait. C’est ce que nous allons voir maintenant.

Pourquoi est-il important de comprendre que “corrélation n’est pas causalité” ?

L’expression “corrélation n’est pas causalité” est une règle fondamentale en statistiques et en recherche scientifique. Elle fait référence au fait que le simple fait que deux phénomènes soient corrélés, c’est-à-dire qu’ils varient ensemble, ne signifie pas nécessairement qu’il existe une relation de cause à effet entre eux.

Y croire revient à adhérer à un sophisme, “cum hoc ergo propter hoc“, soit : “avec ceci, donc à cause de ceci” en latin.

Pour le dire autrement : il ne suffit pas que deux variables soient corrélées pour qu’il y ait causalité.

Le meilleur moyen d’augmenter l’intelligence des savants serait de diminuer leur nombre.

Alexis Carrel

Il est crucial de comprendre cette distinction car établir une relation de cause à effet nécessite davantage que la simple observation d’une corrélation entre deux variables. Et c’est d’autant plus crucial que l’effet cigogne est présent à peu près partout, y compris dans des études d’apparence sérieuse, et donnent lieu parfois (souvent ? 🙂 ) à des décisions qui peuvent avoir des conséquences désastreuses… Parfois, et cela peut se révéler vraiment problématique, au nom du fameux “intérêt général”.

Et lorsque l’on connaît l’existence de la loi de Brandolini

Dans le détail, voici quelques raisons pour lesquelles nous insistons tant sur l’importance de bien faire la distinction entre “causalité” et la simple “corrélation” :

Corrélation ne signifie pas causalité

La corrélation indique uniquement qu’il existe une relation entre deux variables qui évoluent de manière simultanée, mais cela ne prouve pas que l’une cause l’autre.

Par exemple, il peut exister une corrélation entre le nombre de piscines vendues et le nombre de cas de noyade en été, mais cela ne signifie pas que l’achat de piscines cause les noyades.

Au contraire, les deux variables sont liées par une variable cachée, dans ce cas, la saison estivale.

Facteurs confondants

Des variables extérieures, non mesurées ou non contrôlées, peuvent influencer à la fois la variable X et la variable Y, créant ainsi une corrélation apparente sans qu’il y ait de lien de cause à effet direct entre elles.

Par exemple, on peut observer une corrélation entre le nombre de personnes qui mangent de la glace et le nombre de décès par noyade en été, mais cela ne signifie pas que manger de la glace cause les noyades. La chaleur estivale est un facteur confondant pouvant expliquer cette corrélation.

Hasard

Parfois, des corrélations peuvent se produire simplement par hasard sans qu’il y ait une relation causale réelle entre les variables.

hasard et corrélations
Le hasard, parfois difficile à appréhender

Encore faut-il comprendre la notion de “hasard”… Par exemple… La croyance, extrêmement répandue, probablement parce que très rassurante, selon laquelle “rien n’arrive par hasard”, est bien ceci, jusqu’à preuve du contraire : une croyance 🙂

Sans nous lancer dans un approfondissement philosophique de la notion, reprenons ici, simplement, la définition du dictionnaire Larousse :

  1. Puissance considérée comme la cause d’événements apparemment fortuits ou inexplicables : Rien n’a été laissé au hasard. Synonymes : chance – coup de dés (familier) – destin – fatalité – impondérable – sort
  2. Circonstance de caractère imprévu ou imprévisible dont les effets peuvent être favorables ou défavorables pour quelqu’un : C’est un pur hasard que vous m’ayez trouvé chez moi à cette heure. Synonymes : circonstance – coïncidence – conjoncture – occasion

Peut-il exister un lien entre la pensée en arborescence et l’effet cigogne ?

La pensée en arborescence implique souvent une approche où les idées, les concepts ou les informations se ramifient dans différentes directions, créant un réseau complexe et interconnecté.

Lorsqu’on considère des données complexes ou des relations entre différents phénomènes, il est facile de tomber dans le piège de confondre la corrélation avec la causalité.

Pour rappel :

  • La corrélation fait référence à une relation statistique entre deux variables où elles peuvent être liées d’une manière ou d’une autre, mais cela ne signifie pas nécessairement qu’il y a une relation de cause à effet entre elles.
  • En revanche, la causalité implique qu’un événement (la cause) entraîne directement un autre événement (l’effet).

Dans le cadre d’une pensée en arborescence, où différentes idées sont connectées de diverses manières, il peut être tentant de supposer qu’une corrélation entre deux variables implique automatiquement une relation de cause à effet. Les connexions rapides et multiples entre des idées ou des concepts peuvent parfois induire en erreur, car elles peuvent créer des associations superficielles ou erronées entre des éléments qui sont simplement corrélés sans qu’il y ait de lien causal réel.

Ainsi, bien que la pensée en arborescence soit généralement bénéfique pour explorer des idées et des relations complexes, elle nécessite également une réflexion critique pour éviter de tirer des conclusions erronées concernant la causalité à partir de simples corrélations.

Confusion entre “corrélation” et “causalité” chez le surdoué

En dehors de la pensée en arborescence, la confusion entre “corrélation” et “causalité” peut parfois être observée chez les personnes surdouées en raison de certains traits ou comportements qui leur sont propres (voir les caractéristiques du HPI et les caractéristiques du HPE).

Pensée rapide et connectée

Les individus surdoués ont souvent une pensée rapide et associative. Leurs capacités cognitives supérieures leur permettent de faire des connexions rapides entre différentes idées, concepts ou données.

Cette pensée rapide peut parfois les amener à établir des liens entre des variables sans examiner en détail la relation réelle entre celles-ci.

Curiosité intellectuelle et exploration constante

Les surdoués ont souvent une curiosité intellectuelle intense, ce qui les pousse à explorer divers sujets et à faire des liens entre des informations apparemment disparates.

Dans cette exploration, ils peuvent parfois sauter à des conclusions hâtives sur la base de corrélations apparentes sans approfondir la recherche de la causalité.

Rapidité d’apprentissage et rétention élevée d’informations

Les personnes surdouées ont souvent la capacité d’assimiler rapidement de nouvelles informations et de les retenir facilement.

Cependant, cette rapidité d’apprentissage peut parfois entraîner une surinterprétation des corrélations observées sans prendre en compte d’autres facteurs ou variables.

Sensibilité à la complexité

Les surdoués ont tendance à être sensibles à la complexité des problèmes et des idées.

Cette sensibilité peut les amener à rechercher des modèles et des relations entre différentes variables, ce qui peut potentiellement les conduire à surévaluer la signification des corrélations qu’ils observent.

Il est important de noter que ces traits ne sont pas universels chez tous les individus surdoués, et la capacité à distinguer entre la corrélation et la causalité dépend de la pensée critique, de la formation, et de l’expérience individuelle.

Tout le monde, indépendamment de ses capacités, peut tomber dans le piège de confondre corrélation et causalité sans une analyse critique appropriée des données et des relations entre les variables. Et il n’est pas interdit de penser que l’effet cigogne fasse partie des facteurs qui nourrissent la montée des théories du complot, ce qui rend sa compréhension plus nécessaire que jamais.

Pour aller plus loin, voir le théorème de représentation de Granger et la causalité au sens de Granger (Wikipédia).

Et si vous n’avez pas le courage, là tout de suite, d’éplucher ces deux liens, rions un peu : de nombreuses illustrations de l’effet cigogne sont disponibles sur le site spurious correlations.

En voici une des plus anciennes, un classique indémodable :

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A tout de suite !