Tout savoir sur l’intelligence existentielle
L’intelligence existentielle, également appelée intelligence spirituelle ou intelligence morale, est la “dernière” des intelligences multiples issues des travaux du psychologue Howard Gardner. Celui-ci a mis en évidence l’existence de diverses formes d’intelligence, qui correspondent chacune à une capacité cognitive qui lui est propre.
Quelle est la nature de celle-ci ? Les Haut Potentiel Emotionnel (HPE) et les Haut Potentiel Intellectuel (HPI) s’illustrent-ils en la matière ? On fait le point.
Qu’est-ce que l’intelligence existentielle ? Définition
L’intelligence existentielle se rapporte à la capacité d’une personne à réfléchir profondément aux questions fondamentales et existentielles de la vie.
Contrairement à l’intelligence traditionnelle qui se concentre sur la résolution de problèmes, la logique et les compétences académiques, l’intelligence existentielle se penche ainsi sur les aspects philosophiques, éthiques, moraux et spirituels de l’existence humaine. Autant dire qu’il s’agit d’un vaste chantier ! 🙂
Il est important de noter que l’intelligence existentielle ne se limite pas à une croyance religieuse particulière ou à des pratiques spirituelles. Elle englobe plutôt une gamme de perspectives et de réflexions personnelles sur les aspects profonds et souvent ambigus de l’existence humaine.
Seule une très grande intelligence est capable d’insuffler un sens logique aux idées insensées.
Milan Kundera
(voir d’autres citations sur l’intelligence)
Les personnes dotées d’une intelligence existentielle élevée sont enclines à s’interroger sur des questions relatives à de nombreux points, dont nous allons établir une liste (non exhaustive, évidemment) ci-dessous.
Le sens de la vie
Elles réfléchissent sur le but de l’existence humaine, les valeurs qui la guident et les objectifs qui donnent un sens à la vie.
Evidemment, les concepts de type “ikigai” trouvent un écho particulier auprès de ces profils.
Dans le monde professionnel, par extension, ces individus sont plus naturellement portés vers des réflexions autour de la mission d’une entreprise ou d’une association, plus que sur des objectifs jugés “étroits”, du type chiffre d’affaires, marge ou parts de marché.
La mort et la finitude
Elles examinent la nature de la mort, la signification de la finitude humaine et la façon dont cela influence la manière dont nous vivons nos vies.
Folie toute l’intelligence sans la conscience profonde de la mort et de l’impertinence.
Tsangyang Gyatso
Il est à noter que s’il reste communément admis par une large part de la population que les conduites à risques observées chez un certain nombre d’adolescents et de jeunes adultes sont liées à une volonté de tromper la mort, des études menées depuis quelques années tendant à montrer que celles-ci pourraient en réalité s’expliquer par une certaine immaturité intellectuelle (l’individu n’ayant pas encore pris conscience de sa finitude, celle-ci arrivant plus tard dans la vie), et/ou par un manque d’intelligence existentielle (l’individu ne parvenant pas suffisamment à appréhender celle-ci, même à un âge avancé).
L’intelligence du monde n’est pas dans la naissance, elle est dans la mort. On sait ce qui naît ; on ne sait où va ce qui meurt.
Germaine Beaumont
La conscience
Elles explorent la nature de la conscience, de l’identité et de la perception, et se demandent comment ces aspects contribuent à notre compréhension du monde.
Ce qui n’est pas la porte ouverte à tout et n’importe quoi en la matière 😉 Il est important, notamment, de creuser le sujet des biais cognitifs et de ne jamais sous-estimer la façon dont ceux-ci nous influencent au quotidien.
La morale et l’éthique
Elles se penchent sur les questions de bien et de mal, de justice, de droits humains et de responsabilité envers les autres êtres humains et la planète.
Malheureusement, ces sujets sont parfois confondus avec des questionnements d’ordre purement religieux, ce qui peut brouiller le message et offrir une vision caricaturale à l’observateur extérieur. Il semble en effet difficile de soutenir encore, de nos jours, que la religion est une condition nécessaire, sinon suffisante, au sens moral et à l’éthique.
Ces questions sont particulièrement brûlantes à l’heure où certains rêvent d’un gouvernement mondial, d’autres se réclament du souverainisme et réclament un renforcement des frontières… Parfois, ces convictions sont bâties sur une hypothèse d’universalité des valeurs, ou encore d’une supériorité d’une culture sur une autre, ou bien du collectif sur l’individu…
En réalité, nous sommes bien ici dans une science humaine, et non une science “dure” : si votre voisin ne parvient pas aux mêmes conclusions que vous alors qu’ils disposent des mêmes éléments, ce n’est probablement pas parce qu’il est moins intelligent que vous. Si vous êtes si intelligent que vous pensez l’être, vous devriez commencer par comprendre cela… 😉
Toutes les religions promettent des récompenses pour les qualités de cœur ou de volonté, mais aucune pour les qualités d’intelligence ou de compréhension.
Arthur Schopenhauer
La transcendance
Elles envisagent la possibilité d’une réalité ou d’une dimension au-delà de ce qui est immédiatement perceptible, qu’il s’agisse de concepts religieux, spirituels ou philosophiques.
Là encore, le danger est de se réfugier dans une pensée confortable, selon laquelle l’être humain doit s’élever pour accéder au monde spirituel. Partant, chacun aura vite fait d’adopter n’importe quelle croyance, du moment que celle-ci permet de nourrir égo et besoin d’appartenance.
Rappelons donc ici, notamment, que toutes ces réflexions ne sont pas incompatibles avec une démarche scientifique. Nous serions même tentés de dire que c’est précisément parce que l’on s’aventure ici dans des domaines où il est facile d’affirmer tout et son contraire qu’il est particulièrement important d’adopter une bonne hygiène intellectuelle.
Ce qui demande un effort, n’en doutons pas : voir notamment à ce sujet la loi de Brandolini.
La quête de sagesse
Les profils “existentiels” cherchent à développer une compréhension profonde de la nature de la réalité et à trouver des réponses à des questions complexes sur la vie et l’existence.
Autant dire qu’il s’agit, par définition, d’une quête sans fin !
La vie est courte et il faut être réaliste. Lutter contre l’inévitable, c’est du temps perdu ; accepter un fait accompli est une preuve de sagesse, d’intelligence.
Robert Choquette
Méfiance à ce sujet : le besoin de réponses ne doit pas venir masquer une incapacité à faire face, précisément, au questionnement.
Le début de la sagesse – et de la tolérance – ne serait-il pas d’accepter tout à la fois qu’on ne pourra jamais tout prouver et que toute croyance ou conviction ne sont par essence que des intuitions, des opinions, des narrations, et que ça ne les rend pas moins respectables à condition de ne pas les confondre avec une Réalité Absolue ou une Vérité Révélée ?
On mesure l’intelligence d’un individu à la quantité d’incertitudes qu’il est capable de supporter.
Emmanuel Kant
(parfois attribuée par erreur à Antoine Houdar de la Motte)
En résumé, l’intelligence existentielle concerne la capacité de réflexion profonde et de recherche de sens face aux questions fondamentales de la vie.
C’est une forme d’intelligence qui va au-delà des compétences académiques traditionnelles pour aborder des domaines plus vastes et profonds de la compréhension humaine. Ce qui ne signifie en aucune façon que cette intelligence est supérieure aux autres – cela serait une lecture linéaire, donc fortement réductrice, du sujet.
Intelligence existentielle et douance
En l’absence d’étude sur le sujet, nous ne pouvons qu’émettre des hypothèses, et admettre que celles-ci ne seront probablement pas validées (ou invalidées) de si tôt.
Si l’on s’appuie sur des remontées terrain, il semble que les surdoués ont souvent une capacité accrue à réfléchir de manière complexe, à traiter l’information en profondeur et à poser des questions profondes sur la vie, la mort, le sens de l’existence et d’autres questions existentielles. Ce qui dans le même temps peut certainement les rendre plus perméables aux croyances absurdes et aux dérives sectaires.
Intuitivement, il semble plus facile de relier l’intelligence existentielle avec les caractéristiques du HPE plutôt qu’avec les caractéristiques du HPI, mais il s’agit là encore d’une simple hypothèse.
Plusieurs facteurs peuvent contribuer à cette propension des surdoués envers l’intelligence existentielle.
Intensité cognitive
Les surdoués ont tendance à traiter l’information de manière plus approfondie et à poser des questions complexes dès leur plus jeune âge. Leur soif de connaissances et leur capacité à établir des connexions inhabituelles entre différentes idées peuvent les amener à s’interroger davantage sur les aspects profonds de la vie.
D’où l’importance pour eux, précisément, d’apprendre à penser sans attendre, afin de limiter le risque de s’enfermer dans des bulles cognitives et d’embrasser l’idée que le mystique et l’ésotérique qui seraient intrinsèquement et par définition accessibles uniquement à une élite (ici, intellectuelle) et supérieurs aux enseignements et lectures plus traditionnels.
Des outils faciles à mettre en oeuvre, comme le rasoir d’Ockham, peuvent ici se révéler précieux.
Sensibilité émotionnelle
Les surdoués peuvent être plus sensibles aux émotions, aux stimuli et aux expériences en général. Cette sensibilité accrue (on parle facilement d'”hypersensibilité”) peut les amener à s’interroger sur les émotions, la souffrance humaine et les questions éthiques et morales.
Qui n’a jamais entendu un HP s’interroger sur le sens éventuel de la souffrance humaine ou animale ?
Bien entendu, les connaissances du fonctionnement du corps humain, a fortiori du cerveau, restant à ce jour fort limitées, cela peut être la porte ouverte à l’enracinement de convictions parfois étranges, voire absurdes. Notre époque digitale, où les réseaux sociaux de masse alimentent facilement les bulles cognitives, met sans doute à rude épreuve l’intelligence du zèbre quand il s’agit de s’écarter de types d’intelligence plus traditionnels, tels que l’intelligence logico-mathématique.
Quête de sens
En raison de leur pensée profonde et de leur tendance à remettre en question les choses, les surdoués peuvent être en quête de sens et de compréhension plus profonde de l’existence. Ils peuvent se sentir poussés à explorer des domaines comme la philosophie, la spiritualité et la métaphysique pour trouver des réponses à leurs questions.
Il s’agira alors, pour le HP, de se nourrir en confrontant les pensées, les argumentations, les visions… Et non pas de s’enfoncer dans sa zone de confort, en ne s’exposant plus qu’à de la matière qui le flatte et le conforte, tout en balayant d’un revers de la main tout ce qui aurait l’audace de remettre quoique ce soit en question.
C’est là, certainement, que réside également la meilleure motivation pour s’intéresser à de multiples champs de pensées et exprimer ainsi son haut potentiel, ou plutôt son multipotentiel 😉
Sensibilité à l’injustice
Les surdoués peuvent être plus conscients des injustices et des incohérences dans le monde qui les entoure. Cela peut les amener à réfléchir sur des questions liées à la morale, à la justice sociale et à la façon dont les individus interagissent avec leur environnement.
Avec un risque non négligeable : celui de négliger l’effet Dunning-Kruger voire de tomber dans l’ultracrépidarianisme, et ainsi de penser appartenir à la fois au Camp de l’Intelligence Supérieure mais aussi au Camp du Bien. Avec souvent, comme corollaire, la volonté d’imposer ce Bien à autrui. Le tout sans oublier le mythe du bon sauvage…
Envie de poser quelques questions existentielles à d’autres zèbres ? Le Groupe Philosophie et spiritualité semble un bon endroit pour commencer votre voyage… A tout de suite ! 😉