Biais de perception

Le biais de perception, ou perception sélective (ou encore “biais de perception sélective“, comme ça on est sûr de savoir de quoi l’on parle 😉 ), est un biais cognitif qui n’est pas très éloigné du biais de confirmation. Il est moins populaire que l’effet Barnum auprès de la communauté HPE (Haut Potentiel Emotionnel) / HPI (Haut Potentiel Intellectuel), mais il n’en est pas moins intéressant.

Explications.

Qu’est-ce que le biais de perception ? Définition

Parfois confondue avec celle de biais cognitif en général, ce qui explique que certains lui préfèrent l’appellation “perception sélective”, la notion de biais de perception est en réalité plus restrictive.

biais de perception sélective
Le biais de perception (perception sélective) : notre cerveau filtre…

Avez-vous conscience que si votre cerveau ne filtrez pas en permanence l’immense majorité des informations que vous êtes susceptibles de percevoir, vous deviendriez vite fou ? Dans la meilleure des hypothèses… 😉

C’est d’ailleurs ce que l’on peut entendre dans la bouche de Charlie Parker, dans le film Bird (1988). Quelque chose comme “si on pouvait entendre tous les sons de la terre, on deviendrait fou.”

Pour le dire de façon plus légère, on parle de “perception sélective” car, au fond, nous percevons ce que nous voulons bien percevoir. La question éternelle restant de savoir si la nation d’objectivité pure et parfaite a un sens…

Notre âme, en tant qu’elle perçoit les choses d’une façon vraie, est une partie de l’intelligence infinie de Dieu.

Baruch Spinoza

(voir d’autres citations sur l’intelligence)

Evidemment, puisque notre survie passe par un filtrage cognitif, nous choisissons inconsciemment l’option la plus confortable, à savoir accueillir à cerveau ouvert ce qui va dans le sens de nos croyances, ce qui nous est familier, en un mot, ce qui ne nous stresse pas – le stress étant, par définition, une “difficulté temporaire d’adaptation”.

Ce n’est pas sans raison que l’on parle de schémas de pensée, tant il est difficile pour un individu de sortir des chemins, murs et raccourcis qu’il a mis en place au fil des perceptions et des expériences. Le tout, sans s’en rendre compte, naturellement.

Biais de perception : les types de perception sélective

Evidemment, même pour un cerveau doté de capacités hors du commun, il ne sera jamais possible de traiter de façon exhaustive l’ensemble des stimuli existant. Loin, très loin s’en faut. Par conséquent, la perception sélective est inévitable.

Celle-ci peut se présenter sous différentes formes.

Sélectivité perceptuelle

Avez-vous déjà essayé de voir les étoiles en plein centre de Paris ? Difficile, n’est-ce pas ? Ce n’est pas que les étoiles sont moins brillantes à ce moment là que lors de votre week-end à Marseille, ou même que le ciel est moins dégagé… C’est sans doute surtout en raison de la pollution lumineuse qui, par contraste, les rend difficiles à discerner.

D’une manière générale, des objets lumineux, des sons forts, des odeurs marquées… seront davantage perçues que d’autres stimuli de même nature, mais plus discret.

Et même… La perception d’un stimulus très fort peut aussi “masquer”, ou en tout cas reléguer au second plan, celle d’un stimulus moins fort. Par exemple, une personne avec des acouphènes chroniques sévères peut avoir du mal à percevoir des sons légers mais peut voir également sa perception olfactive, gustative… affectée.

Vous êtes sceptique ? C’est pourtant une des raisons pour lesquelles il existe des restaurants dans lesquels on peut manger dans le noir… 😉

La conséquence de cette sélectivité perceptuelle est que l’on peut être amené à négliger des informations moins visibles, plus discrètes, de “bas bruit”, alors que celles-ci sont peut-être nécessaires à la compréhension.

Sélectivité attentionnelle

Notre présence au monde n’est jamais totalement neutre, passive. Si vous vous trouvez au restaurant avec des amis et que ceux-ci se mettent à discuter d’un sujet absolument sans intérêt pour vous, il n’est pas impossible que votre attention vous fasse soudainement réaliser que, à la table d’à côté, un jeune couple parle précisément d’une de vos passions. Soudain, vous n’entendez plus qu’eux !

Peut-être est-ce dans cette sélectivité attentionnelle qu’il faut chercher une explication rationnelle à des expériences de type “prémonitions”… Il n’y aurait pas de perception d’un futur, mais une perception sélective qui amène à avoir conscience de choses avant les autres, ou de manière différentes que son entourage. Bien sûr, cela reste une hypothèse, et celle-ci est non excluante.

De la même façon, si un journaliste a une marotte (qui n’en a pas ? 😉 ), il risque d’avoir tendance à la projeter partout. Et de présenter à son lecteur, déjà soumis lui-même à de nombreux biais, une vision bien colorée de l’actualité.

Ceci peut conduire à des comportements de suradaptation de type Faux Self, l’individu ayant au fond conscience, même vaguement, des limites rationnelles de son comportement, mais y trouvant malgré tout un intérêt, en termes de posture ou d’appartenance, bien souvent.

Sélectivité mnésique

Ici, on parle de la mémoire… Qui ne nous donne pas accès à une sauvegarde de fichiers, que vous pouvez vous repasser en l’état des années après. Tout simplement car, entre autres choses, nous réécrivons sans cesse l’Histoire, de manière à former un récit cohérent.

Ceci est dû au fait qu’il nous est plus facile de nous souvenir d’informations qui sont cohérentes avec nos croyances ou nos attitudes préexistantes. Et, ce faisant, nous mettons de côté, parfois dans un coin très bien caché et fort peu accessible, tout ce qui peut aller à leur encontre.

Au besoin, nous réécrivons, arrangeons, transformons.

Pour pouvoir continuer à vivre et à avancer. Instinct de survie, toujours présent !

Sélectivité confirmatoire

Bien sûr, il est facile de critiquer autrui en arguant que l’accès au savoir demande un effort. La “paresse intellectuelle”, c’est mal, n’est-ce pas.

Ce serait oublier un peu vite que nos recherches actives d’informations reflètent elles aussi notre tendance à aller vers des données qui confirment nos attentes, hypothèses ou croyances.

Que celui qui n’a jamais été tenté de ne plus lire que des médias qui “pensent comme lui” jette la première pierre à son voisin !

Au fond, l’être humain ne cherche pas nécessairement à accéder à la vérité. Il tend plutôt à se construire une vérité confortable, un petit nid douillet, qu’il sera heureux de retrouver chaque jour – et qui contribuera à donner du sens à sa vie.

Pourquoi lutter contre le biais de perception ?

A la lecture des paragraphes précédents, on comprend aisément que ce biais de perception sélective peut contribuer à renforcer nos croyances existantes et à maintenir nos préjugés.

biais cognitif : perception sélective
La perception sélective : zoom vs grand angle

De façon plus générale, il est difficile de prétendre accéder à une certaine objectivité si l’on n’a pas, au préalable, pris conscience de ce phénomène. Comment accéder à une image complète, la moins biaisée possible, si l’on met d’entrée de jeu le zoom sur une partie du tableau, dans un angle de vue donné ?

La première règle d’une bonne hygiène en la matière semble relever du bon sens : il faut diversifier ses sources d’information. Vous êtes convaincu que le capitalisme c’est mal ? Essayez justement de ne pas lire que l’Humanité, le Nouvel Obs ou Libération ! Vous pensez que l’immigration est un danger ? Avez-vous envisagé de ne pas vous limiter au Figaro et à Valeurs Actuelles au café ?

S’entourer de personnes qui ne partagent pas 100% de notre vision du monde, les écouter, les tolérer, fait aussi partie d’une démarche saine en la matière. Autant dire que cela demande parfois pas mal de souplesse ! C’est justement pour cela qu’il faut entretenir cette aptitude au quotidien 🙂

Biais de perception et douance

Le surdoués sont-ils particulièrement concernés par le biais de perception ? Difficile à dire…

On peut cependant émettre quelques hypothèses, des pistes de réflexion qui resteraient à valider ou invalider de manière scientifique. Celles-ci sont relatives à certaines caractéristiques du Haut Potentiel.

Hypersensibilité

Le fait d’être plus sensibles aux stimuli et autres informations issues de l’environnement pourrait avoir un effet pervers : l’individu zèbre serait, plus rapidement que d’autres personnes, attiré, aspiré par certains “détails”, et pourrait dans le même temps perdre plus facilement la vision d’ensemble qu’un individu lambda.

Surtout qu’il peut être bien agréable de se laisser porter par le courant tout en ayant l’illusion d’être un des rares à nager pour résister à celui-ci…

Intérêts spécialisés

Le surdoué peut se focaliser, parfois jusqu’à l’extrême, sur une passion, un centre d’intérêt… S’il est convaincu de détenir la Vérité, le HP activiste en politique peut ainsi déployer une énergie considérable pour creuser un sillon, sans avoir conscience d’avoir perdu la vue d’ensemble (“big picture”).

A cela peuvent venir s’ajouter d’autres distorsions et idées reçues, comme celle, fréquente par nature au sein des activistes de tout bord, selon laquelle faire quelque chose est forcément préférable à ne rien faire (“au moins mois j’essaie de faire changer les choses, je lutte pour la cause !”).

Tout médecin ou pharmacien a d’ailleurs entendu, dès ses premières de cours sur les bancs de l’université, le fameux “primum non nocere” (“en premier, ne pas nuire”). Mais chacun l’a interprété à sa manière. Et c’est bien normal 🙂

Pensée critique

Corollaire : si le HP mobilise toutes ses capacités pour éplucher un sujet sans réaliser qu’il ne s’agit que dudit sujet, il peut facilement avoir tendance à surestimer ses compétences dans d’autres domaines, en particulier ceux qui en sont proches, ou qu’il pense être proches, mais dont il ignore tout ou à peu près tout (voir l’effet Dunning-Kruger). Il peut alors facilement tomber dans l’ultracrépidarianisme.

D’où l’importance, en parallèle, d’un bon équilibre entre humilité et confiance en soi… Vaste sujet, sur lequel un psychologue spécialisé Haut Potentiel peut certainement apporter quelque chose.

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