Cinq heures douze.
Le trousseau pend au crochet. Je le saisis en vitesse par le scoubidou faisant office de porte-clefs y étant accroché. En voiture.
Le métier à bien évolué en trente-cinq ans. On n’utilise plus de transpondeur aujourd’hui : on a les portables. On est disponible à n’importe quelle heure, pour aller n’importe où.
Fait chier ces putains d’astreintes !
Je vérifie l’essence. Ça devrait faire au moins pour l’aller. Roule…
Trois quarts d’heure après, je suis dans le labo. Mon client n’a pas la cinquantaine. Brun, plutôt bel homme. Quel gâchis ! Allez… Au boulot.
Rien à faire : même avec les conseils de leur putain d’ergothérapeute, on se bousille le dos à manipuler quatre-vingt kilos.
Allons-y pour la petite ligature de routine, il ne s’agirait pas de tout saccager à cause d’un écoulement malvenu. Je sers le prépuce. Du smegma s’en échappe lors de la compression. C’est dégueulasse. On dirait de la béchamel. Quelqu’un avec le coeur mal accroché finirait vite en catatonie.
Après c’est le protocole : repérer le point ou piquer. Drainer. Injecter… Et puis enfin on l’habillera.
Mais… Qu’est-ce que c’est que ce bordel !? Ça ne ressemble en rien à tout ce que j’ai vu durant ma carrière de thanatopracteur ! Le système respiratoire de ce mec : il n’a rien d’humain ! On dirait qu’il est double, comme un dipneuste : ces putains de poissons préhistoriques !!!
D’un coup, il se relève. Sur l’échelle de l’horreur, je gravis le dernier échelon. Il se jette sur moi, agrippant mon cou pour le serrer avec une force inhumaine. Je repense alors à cette légende : celle de ces habitants des profondeurs, qui cherche à réveiller leur dieu endormi dans la cité antédiluvienne de R’lyeh.
Un torrent de pensées me traversent avec fulgurance.
Fait chier ces putains d’astreintes…