Le langage musical, la créativité (et Guthrie Govan)

  • Le langage musical, la créativité (et Guthrie Govan)

    Publié par paradigm le 3 octobre 2018 à 21 h 26 min

    J’aimerais échanger avec vous sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur : le langage musical.
    Passionné de linguistique et de musique j’ai depuis longtemps fait le rapprochement entre musique et langage sur le plan cognitif. (Je souhaiterais d’ailleurs travailler dans l’étude de ce domaine de façon plus formelle).

    Je viens de découvrir il y a quelques instants cette excellente vidéo où Guthrie Govan (un des musiciens les plus talentueux de notre époque et excellent pédagogue) exprime son point de vue sur le sujet : https://www.youtube.com/watch?v=W0yKCpidQ-s (désolé pour les non-anglophones).

    Et j’ai eu l’immense satisfaction de voir qu’il avait exactement la même vision que moi concernant le lien étroit entre musique et langage, et qu’il y avait plusieurs façon d’apprendre la musique, le langage musical.

    Voici quelques éléments sur lequel j’aimerais bien pouvoir échanger avec vous (avoir des retours d’expérience, des avis positifs ou non) :
    – La technique seule n’apporte rien à la créativité
    – On peut être un excellent musicien sur le plan technique mais être incapable de composer quoi que ce soit
    – On peut être un excellent compositeur, mais incapable de jouer quoi que ce soit
    – Devient-on plus créatif en écoutant un maximum de musiques variées pour s’ouvrir ; ou au contraire plus nous écoutons des musiques, plus nous serons nécessairement influencés et notre réelle créativité s’effacera ?

    Tous les avis sont les bienvenus ! 🙂

    Membre Inconnu a répondu il y a 5 années, 6 mois 3 Membres · 22 Réponses
  • 22 Réponses
  • Membre Inconnu

    Membre
    4 octobre 2018 à 19 h 31 min

    La technique seule n’apporte rien à la créativité.

    Je ne suis pas certain que ces deux notions soient si opposées que ça. Je pencherais plutôt pour un savant mélange.

    De quoi parles-tu quand tu parles de technique ?
    De virtuosité instrumentale uniquement ?

    De quoi parles tu quand tu parles de créativité ?
    De composition uniquement ?
    Y places tu également l’improvisation ?

    Où places tu le fait de savoir faire sonner son instrument ? Je connais plusieurs personnes qui dès qu’elles prennent n’importe quelle guitare, ont le son. Comme une identité, une signature sonore. Sur une guitare à 300 euros ou à 4000, on la reconnaît. Étant guitariste, j’écoute plus de guitaristes forcément. Et bien il est indéniable qu’on en reconnaît certains rien qu’avec leur son. Le virtuose qui n’a pas le son, ben c’est fade mais si je pousse le raisonnement, moi je vais trouver que tel guitariste n’a pas le son et d’autres personnes, si. Question de sensibilité à certaines fréquences ? Mystère…
    Mais est-ce de la technique ?

    Où placer le sens du rythme ? Dans la technique ou la créativité ?
    J’ai 2 amis qui n’ont aucun sens du rythme. Ils ont tous les deux un sens mélodique magnifique mais alors au niveau rythmique c’est une catastrophe. Ils ne ressentent pas la pulsation. Étrange non ? Pourtant il y en a un qui a pris des cours de batterie pour pallier à ce problème mais rien n’y fait, ses phrases et son pied s’envole et il finit par se retrouver à l’envers sans s’en rendre compte.

    Où placer le sens de l’écoute ? Le sens de l’écoute c’est l’art lors de jam session de savoir intuitivement se placer afin de créer l’ osmose créatrice avec les autres musiciens. Certains en sont totalement dépourvus et continuent à jouer fort et vite alors que l’improvisation en cours tend vers une baisse du volume et de la vitesse. Histoire d’ego ? Est-ce technique ?

    Où placer la connaissance de l’harmonie ?
    Grosse grosse question. La connaissance de l’harmonie.
    À moins d’être un génie comme Django qui composait et improvisait fabuleusement sans connaître la moindre note, la connaissance de l’harmonie semble importante pour aborder les musiques d’improvisation.
    Tous les grands musiciens jazz d’aujourd’hui sont ultra calés en harmonie.
    Ils sortent de berklee en général.
    Mais quand ils jouent, ils oublient tout ça.
    Tout a été assimilé et est devenu naturel comme quand tu lèves et que tu vas marcher.
    La marche t’est naturelle.
    L’harmonie est-ce de la technique ( intellectuelle certes) ?

    La technique est toujours un atout car c’est la maîtrise d’un geste. Si tu entends dans ta tête, une jolie phrase mais que tu n’as pas la technique pour la jouer, quel intérêt ? Tu ne fais que chanter dans ta tête.

    Le truc c’est que certains ne jurent que par la technique. Ils s’éclatent là dedans. Ils jouent vite, des trucs compliqués, qui peuvent me laisser de marbre mais plaire à mon voisin.

    Personnellement, je préfère un musicien comme bill frisell qui va énormément jouer avec le silence. J’ai de plus en plus de mal avec les tempi au dessus de 120, les mises en place compliquées genre jazz rock des années 80 à la Chick Corea.

    Je crois que c’est Miles Davis qui a dit : “apprendre, assimiler, oublier ”

  • Membre Inconnu

    Membre
    4 octobre 2018 à 19 h 52 min

    2. On peut être un excellent musicien sur le plan technique mais être incapable de composer quoi que ce soit.

    Je ne crois pas. Mais tout dépend de ce que tu appelles une composition.

    Si c’est une ou deux idées musicales relativement simples avec un accompagnement tout aussi simple qui se succèdent et qu’on va appeler chanson, il n’y a même pas besoin d’être un super technicien pour le faire.

    Si c’est composer une musique de film ou un opéra, une symphonie, là on ne joue pas dans la même cour.

    Je suppose que le super technicien a dû être très sérieusement motivé par la musique pour y consacrer autant de temps ( parce virtuose c’est pas en 6 mois, c’est comme les sportifs de haut niveau, réellement. ) et il serait incapable d’avoir une idée musicale ?

    C’est comme un gars qui aurait suivi tout le cursus pour devenir un cuisinier étoilé et qui n’aurait jamais inventé une recette, même pour lui un soir tout seul dans sa cuisine ? Alors pourquoi pas, mais j’ai des doutes.

  • Membre Inconnu

    Membre
    4 octobre 2018 à 20 h 05 min

    On peut être un excellent compositeur mais être incapable de jouer quoi que ce soit.

    Oui et non.

    On peut entendre de très jolies choses dans sa tête mais être incapable de l’écrire sur une partition ou ne pas savoir du tout jouer d’instruments et donc ne pas pouvoir l’enregistrer. Mais est-ce dans ce cas une composition ?

    Je ne connais pas de compositeur non instrumentiste.

    Maintenant, avec l’informatique musicale, tout a changé et en empilant des petites briques de tailles et de couleurs variées, on fabrique des chansons mais est-ce de la composition ?

  • Membre Inconnu

    Membre
    4 octobre 2018 à 20 h 23 min

    4. Devient-on plus créatif en écoutant un maximum de musiques variées pour s’ouvrir ; ou au contraire plus nous écoutons des musiques, plus nous serons nécessairement influencés et notre réelle créativité s’effacera ?

    Ça, ça dépend de chacun je pense. Certains écrivains vont trouver l’inspiration dans le brouhaha d’une salle de café, d’autres vont s’isoler et ne pas sortir de chez eux pendant des mois. Le processus créatif est très personnel.

    Pour ma part, tout cela est comme une respiration, j’ai des périodes où je vais écouter beaucoup tel style jusqu’à saturation puis je vais avoir besoin de me “laver” les oreilles avec des couleurs harmoniques radicalement différentes. Et ceci crée effectivement une ouverture aux sonorités nouvelles. Musique de l’est, du Japon, de l’Inde, le son cubain, le tango argentin… tout ouvre les oreilles car chaque style a des couleurs des climats différents. C’est un nouveau voyage à chaque fois. Mais j’ai aussi de plus en plus besoin de périodes de silence.

  • paradigm

    Membre
    4 octobre 2018 à 20 h 43 min

    De quoi parles-tu quand tu parles de technique ?
    De virtuosité instrumentale uniquement ?

    Quand je dis techniquement, c’est à la fois la virtuosité, mais la connaissance technique (structure rythmiques, gammes, cadences, etc.)

    De quoi parles tu quand tu parles de créativité ?
    De composition uniquement ?
    Y places tu également l’improvisation ?

    Créativité c’est à la fois la composition et l’improvisation. Justement il y a à mon sens deux façons de composer : soit en improvisant et en modifiant éventuellement des choses par la suite, soit en essayant de faire en sorte que ça sonne bien parce que l’on connait la technique musicale.

    Où places tu le fait de savoir faire sonner son instrument ?

    Technique pure. La créativité c’est savoir comment il doit sonner. Technique c’est savoir comment le faire le sonner.

    Où placer le sens du rythme ? Dans la technique ou la créativité ?
    J’ai 2 amis qui n’ont aucun sens du rythme. Ils ont tous les deux un sens mélodique magnifique mais alors au niveau rythmique c’est une catastrophe. Ils ne ressentent pas la pulsation. Étrange non ? Pourtant il y en a un qui a pris des cours de batterie pour pallier à ce problème mais rien n’y fait, ses phrases et son pied s’envole et il finit par se retrouver à l’envers sans s’en rendre compte.

    C’est exactement mon cas. Je n’ai aucun sens du rythme (j’ai également pris des cours de batterie pour y pallier sans y changer quoi que ce soit).
    Le sens du rythme tout dépend à quel moment il est utilisé. Si c’est une question de savoir jouer en rythme, c’est de la technique.
    Pour composer quelle importance ? Et heureusement que les choses ne sont pas toutes carrées et c’est justement ça qui transmet l’émotion musicale.

    Où placer le sens de l’écoute ?

    Le sens de l’écoute, tu le dis toi même c’est quelque chose d’intuitif. En revanche je dirais que c’est un point un peu plus compliqué car la “créativité du groupe” peut aller à l’encontre de la “créativité individuelle”.

    Où placer la connaissance de l’harmonie ?
    Grosse grosse question. La connaissance de l’harmonie.

    Ce qui est de l’harmonie les deux sont possibles.
    Une très grosse majorité des musiciens de jazz actuels qui ont suivi les parcours standards connaissent en effet parfaitement bien l’harmonie et à force de travail l’ont parfaitement bien intégré au point que ça devient naturel, mécanique pour eux, mais c’est quelque chose qu’ils ont appris à la base.
    Et pourtant aucun besoin d’apprendre la théorie de l’harmonie si on se contente de jouer ce que l’on a dans la tête puisque cela sonne déjà bien. Je reviendrais là dessus à la fin en expliquant mon approche de la composition, mais si par exemple on me demande d’improviser et qu’on m’impose des notes à jouer régulièrement je saurais les incorporer sans aucun souci, et sans aucune connaissance de l’harmonie particulière, juste parce que je ferais inconsciemment en sorte que ça sonne bien.
    Et je peux improviser des heures comme ça. Ma seule limitation sera sur le plan technique parce que mes gestes ne suivront pas ma pensée.

    La technique est toujours un atout car c’est la maîtrise d’un geste. Si tu entends dans ta tête, une jolie phrase mais que tu n’as pas la technique pour la jouer, quel intérêt ? Tu ne fais que chanter dans ta tête.

    Bien sûr, c’est également mon cas, je peux en permanence “écouter” de la musique que j’improvise dans ma tête, la plupart du temps je suis bien incapable de la jouer. L’intérêt, il n’y en a pas mais c’est comme ça.
    On peut être créatif parce que la musique nous est innée, ça ne veut pas dire que l’on sera bon sur le plan technique.
    Et à l’inverse des personnes ayant une dextérité phénoménales pourraient jouer cela mais sont pas doués de créativité.
    On en revient au postulat de départ.

    On peut être un excellent musicien sur le plan technique mais être incapable de composer quoi que ce soit.

    Oui j’ai un peu caricaturé. Mais si c’est juste aligner quelques accords et des notes, comme tu le dis à la fin n’importe qui peut le faire, surtout avec l’informatique musicale.

    Je suppose que le super technicien a dû être très sérieusement motivé par la musique pour y consacrer autant de temps

    Regarde sur le net. Il y a des milliers de vidéos de virtuoses capables de jouer des choses toutes plus complexes les unes que les autres, mais incapable de donner la moindre émotion, mais ce sont juste des machines. Ils se sont entrainés pour acquérir la meilleure technique, de la même manière qu’ils auraient pu le faire pour n’importe quelle autre discipline. Pas tous bien sûr, mais une très grosse partie.

    On peut entendre de très jolies choses dans sa tête mais être incapable de l’écrire sur une partition ou ne pas savoir du tout jouer d’instruments et donc ne pas pouvoir l’enregistrer. Mais est-ce dans ce cas une composition ?

    Je peux composer une symphonie en temps réel, seulement il n’existe aujourd’hui aucun moyen simple de la faire sortir de ma tête. Pourtant je n’ai aucune connaissance particulière de l’harmonie, j’ai seulement quelques bases de solfège.
    Et pourtant je ne me pose jamais la question de quelle est la prochaine note qui doit arriver, elle arrive c’est tout.
    A côté de ça, je galère à jouer quelques petits trucs au piano et je ne sais même pas jouer Wonderwall à la guitare.

    Donc je me débrouille avec les moyens du bord, je m’enregistre en fredonnant, ou en jouant ce que je peux jouer. J’essaye de me mémorer les passages essentiels ou de les noter au plus vite. Mais je compose à la vitesse à laquelle j’écoute le morceau, donc je suis nécessairement limité par la technique. Donc le processus de retranscription est extrêmement fastidieux, mais c’est la preuve que ce sont bien des compositions ; et il n’y a pas de raison qu’elles n’en soient pas tant qu’elles ne sont pas matérialisées.

  • paradigm

    Membre
    4 octobre 2018 à 22 h 32 min

    Et pour revenir sur l’idée que la technique vient limiter la créativité, je dirais que parce que la technique va forcer des mécanismes à se créer, de la mémoire musculaire par exemple.
    Donc lors d’une improvisation ce sont ces mécanismes qui vont souvent reprendre le dessus sur la réelle créativité.
    Cela est à mon sens également vrai pour les influences. Si je connais trop certaines musiques elles vont avoir tendance à me revenir en tête facilement et occulter la créativité. Nécessairement ces musiques déjà connues vont toujours influencer notre créativité d’où l’intérêt de ne pas trop se faire influencer.

    Et justement, si les enfants ont une imagination incroyable et une très grande créativité, c’est parce qu’ils ne sont pas conditionnés par uniquement ce qu’ils connaissent. Et ils n’ont pas non plus la technique, ou la théorie. C’est ça la vraie créativité pour moi !

  • Membre Inconnu

    Membre
    6 octobre 2018 à 10 h 49 min

    “Je peux composer une symphonie en temps réel, seulement il n’existe aujourd’hui aucun moyen simple de la faire sortir de ma tête. Pourtant je n’ai aucune connaissance particulière de l’harmonie, j’ai seulement quelques bases de solfège.
    Mais je compose à la vitesse à laquelle j’écoute le morceau, donc je suis nécessairement limité par la technique. ”

    Voilà, donc il faudrait savoir si on considère la retranscription comme partie intégrante du processus créatif. Peut on dire qu’une symphonie qui te passe dans la tête est une composition si elle ne se joue que dans ta tête ou une composition est elle une œuvre qui pour être appelée comme telle doit pouvoir être jouée et rejouée par un instrument, un groupe, un orchestre, une chorale ? (pas forcément devant un public).

    Si on considère l’hypothèse 2, tu n’es donc pas limité par la technique mais par ton manque de technique. Si tu avais une maîtrise parfaite du solfège, une connaissance très profonde de l’harmonie, et une technique instrumentale très solide, ne crois tu pas qu’il te serait plus facile de retranscrire la musique que tu as dans la tête ?
    Si on considère l’hypothèse 1, ben tu écoutes de la musique dans ta tête et ça s’arrête là.
    Mais si on devait s’en tenir au langage stric, une symphonie, par exemple, est une composition instrumentale donc pour instruments, instruments composant donc un orchestre symphonique ( orchestre qui a une forme assez précise).

  • Membre Inconnu

    Membre
    6 octobre 2018 à 10 h 50 min

    “Le sens du rythme tout dépend à quel moment il est utilisé. Si c’est une question de savoir jouer en rythme, c’est de la technique.
    Pour composer quelle importance ? Et heureusement que les choses ne sont pas toutes carrées et c’est justement ça qui transmet l’émotion musicale.”

    Il me semble que ça n’est pas juste ça le sens du rythme. Ça dépend de la complexité de ce que tu entends dans ta tête.
    Beaucoup de musiques utilisent plusieurs métriques au cours du même morceau ou de la polyrythmie. Des compositeurs vont composer des morceaux avec des parties voire même une seule mesure dans une métrique différente parce qu’ils l’entendent comme ça.
    3 mesures de 4/4 suivies d’1 mesure de 7/8 et 2 de 5/4. Il faut avoir un sacré sens du rythme pour entendre et composer des choses comme cela.
    Pareil pour les polyrythmies africaines.
    Une phrase de 12 mesures composées en 4 mesures à 3 temps sur laquelle se superpose une phrase de 12 mesures composées en 3 mesures à 4 temps par exemple mais en beaucoup beaucoup beaucoup plus élaboré.

    Quant au ralentissement, accélération, rubato, oui c’est facile quand on joue seul. Pour l’avoir vécu, et en présence du compositeur, la mise en place d’un ralentissement suivi d’un silence et d’une pêche de fin a été laborieuse alors que nous étions 10 musiciens plutôt aguerris. Mais il y avait 10 respirations différentes.

    Certains morceaux hyper carrés avec des mises en place plus ou moins complexes dans leur composition et leur interprétation apporte un côté grisant et jubilatoire. Est-ce ou n’est ce pas une émotion musicale ?

    On revient donc à la même question. La destination d’une œuvre musicale est elle de rester dans la tête du compositeur ?

  • Membre Inconnu

    Membre
    6 octobre 2018 à 10 h 51 min

    “Et pour revenir sur l’idée que la technique vient limiter la créativité, je dirais que parce que la technique va forcer des mécanismes à se créer, de la mémoire musculaire par exemple.
Donc lors d’une improvisation ce sont ces mécanismes qui vont souvent reprendre le dessus sur la réelle créativité.

    Et

    J’aimerais échanger avec vous sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur : le langage musical.
    Passionné de linguistique et de musique j’ai depuis longtemps fait le rapprochement entre musique et langage sur le plan cognitif. (Je souhaiterais d’ailleurs travailler dans l’étude de ce domaine de façon plus formelle).”

    Alors il y a un truc que je n’ai pas du comprendre. Dans ton 1er message, tu parles du langage musical. Un langage suppose à mon sens, un vocabulaire, une grammaire, conjugaison , syntaxe etc etc et nécessite donc un apprentissage.

    Et dans ton dernier message, si je comprends bien, tu dis que la technique occulte la créativité. Tu parles même de mémoire musculaire qui bride la créativité.
    Certes un français n’arrivera pas à prononcer certains sons de la langue tibétaine et inversement et ça c’est valable pour à peu près tous les langages de la planète. Et pourtant, il y a des poètes dans chaque langues.

    Pour moi il y a là une contradiction, veux tu bien m’éclairer stp ?

    À mon sens il y a bien plus qu’un langage musical, il y en a des centaines avec des codes , des us et coutumes harmoniques propres à chacun.
    Tu reconnaîtra toujours un morceau de country parce ça sonne country et ça sonne country parce le compositeur a utilisé le langage country, langage qu’il connaît. Et ça tombe bien parce c’est ce qu’il aime, composer des morceaux country. Et tu peux être un excellent compositeur country et ne pas savoir composer un morceau de flamenco. Ce sont des langages au même titre que les langues vivantes. Tu peux écrire de beaux vers en anglais et ne pas savoir le faire en espagnol.
    Et comme les langues vivantes ont évoluées au fil des siècles, les langages musicaux ont évolué également. Et pas qu’un peu. Et personnellement je trouve ça fascinant. Comme on retrouve l’influence de l’histoire du monde dans la musique. Tout est tellement imbriqué… avec tous les exodes, les rencontres de plusieurs cultures… ( je pense qu’on ne comprendra jamais tout et que ça n’est pas plus mal. Parfois contentons nous de savourer).

    Transition toute faite pour parler des influences.

    “Cela est à mon sens également vrai pour les influences. Si je connais trop certaines musiques elles vont avoir tendance à me revenir en tête facilement et occulter la créativité. Nécessairement ces musiques déjà connues vont toujours influencer notre créativité d’où l’intérêt de ne pas trop se faire influencer.

    Oui tout influence mais pas que les autres musiques. Si tu viens de tomber amoureux, la musique que tu as dans la tête ne sera pas la même que si tu viens d’être quitté par ta chérie.
    Tout, absolument tout influence. Ton patrimoine génétique, le lieu où tu es né, le milieu dans lequel tu as grandis, ta santé, la météo, ton âge, la nuit que tu viens de passer, tes expériences de vie, les gens que tu fréquentes, la manière dont tu te nourris, ta durée d’exposition au soleil, la qualité de ton sommeil, ce que tu manges, ce que tu regardes à la télé, lis, donne, reçoit etc etc… Tout est en interaction constante. Et ce que tu entends dans ta tête, c’est le reflet de tout ça dans le présent pur et c’est juste magnifique car c’est toi. Entièrement toi. Car tu es la somme de tout ce que tu as vécu ( plutôt dans le sens ressenti) depuis ta conception ( et même avant si tu considères l’aspect transgénérationnel )

    ” Et justement, si les enfants ont une imagination incroyable et une très grande créativité, c’est parce qu’ils ne sont pas conditionnés par uniquement ce qu’ils connaissent. Et ils n’ont pas non plus la technique, ou la théorie. C’est ça la vraie créativité pour moi !”

    Oui ils sont créatifs mais à leur niveau et c’est difficile d’avoir accès à leur création. Combien de créations de perdues faute de technique et de théorie ?
    Tous les enfants ne sont pas Mozart.
    Mais c’est valable aussi pour les adultes.
    Tous les adultes ne sont pas Mozart.

    De plus les œuvres composées par des enfants, même si elles peuvent être très jolies n’arriveront que très rarement voire jamais à un niveau d’élaboration incroyable et magnifique comme une œuvre de Mahler ou John Coltrane, Charlie Parker, Chopin, Paco De Lucia, Django, les chants corses, bb King etc etc…

    On en revient toujours à la même chose.

    À quoi sert une œuvre si c’est pour qu’elle reste dans la tête faute de connaissances pour la faire sortir ? Elle fait plaisir à l’unique auditeur.

    Et en quoi le fait de savoir me servir d’un stylo, d’une gomme, d’un cahier, de mots va m’empêcher de raconter l’histoire que j’imagine ? Comment vais-je raconter ce que j’imagine si je ne connais pas de mots ?
    Remplace mots par notes, stylos par piano.
    On pourrait même aller jusqu’à poser la question, peut on imaginer une histoire sans connaître le moindre mot ? Composer de la musique dans sa tête, sans avoir jamais entendu la moindre note, mélodie ?

    Il y a eu des cas d’enfants sauvages retrouvés.
    De ce que j’avais lu à l’époque, il n’y a pas la moindre créativité. Ils ne savent pas parler, il est très difficile de leur apprendre et à partir d’un certain âge c’est foutu. Ils finissent bien tristement dans des hp complètement isolés. Ils n’ont pas de mots dans la tête, pas de concepts, pas de note. Et la terminologie psychiatrique utilisée à leur égard fait mal au cœur. On parle d’idiotie débilitante.
    Ce qui tendrait à démontrer que c’est le contact avec l’autre, la communication, l’échange, le partage, la curiosité, et donc finalement les influences qui favorisent la créativité.

  • paradigm

    Membre
    6 octobre 2018 à 14 h 16 min

    Si on considère l’hypothèse 2, tu n’es donc pas limité par la technique mais par ton manque de technique. Si tu avais une maîtrise parfaite du solfège, une connaissance très profonde de l’harmonie, et une technique instrumentale très solide, ne crois tu pas qu’il te serait plus facile de retranscrire la musique que tu as dans la tête ?

    Pas particulièrement, parce que j’ai l’oreille absolue , donc je n’ai pas de mal à restranscrire quoi que ce soit sur le plan/mélodique et harmonique. La seule réelle limitation vient de la mémoire puisque la retranscription est nécessairement plus lente que le temps réel. Là ou je vais avoir également du mal, ça va être pour les structures rythmiques.

    Si on considère l’hypothèse 1, ben tu écoutes de la musique dans ta tête et ça s’arrête là.

    Oui mais dans le sens ou c’est quelque chose de complètement nouveau, que personne n’a jamais entendu (et dans ce cas là n’entendra jamais) ça reste une création. Alors peut-être que le mot composition n’est pas le plus approprié, improvisation est peut-être plus juste. Mais dans tous les cas ça de la création pure.

    Mais si on devait s’en tenir au langage stric, une symphonie, par exemple, est une composition instrumentale donc pour instruments, instruments composant donc un orchestre symphonique ( orchestre qui a une forme assez précise).

    Oui, alors j’ai repris le terme “symphonie” mais il est évident que lorsque j’entends une musique elle n’aura pas une forme bien structurée, je ne vais pas me dire à l’avance “je vais m’écouter une sonate” ou quoi que ce soit. En revanche il est très fréquent que des structures se créent toutes seules, simplement parce que si un thème me plait, je vais reboucler dessus, introduire des modulations, etc. (et encore une fois je précise bien que je réfléchis pas ça se fait tout seul et je serai bien incapable de nommer les progressions et cadences que j’utilise).

    Il me semble que ça n’est pas juste ça le sens du rythme. Ça dépend de la complexité de ce que tu entends dans ta tête.
    Beaucoup de musiques utilisent plusieurs métriques au cours du même morceau ou de la polyrythmie. Des compositeurs vont composer des morceaux avec des parties voire même une seule mesure dans une métrique différente parce qu’ils l’entendent comme ça.

    Et bien justement étant donné que je ne sens pas très bien la pulsation, les notes vont s’enchainer, former des phrases mélodiques qui vont très rarement rentrer dans des schémas très carrés.
    Donc dans la majorité de mes compos, si j’arrive à retranscrire tel quel je vais me retrouver avec des signatures en 7/4, 7/8, 11/8 ou alors des signatures plus conventionnelles mais avec des figures rythmiques plus compliquées (quintolets, etc.)

    Quant au ralentissement, accélération, rubato, oui c’est facile quand on joue seul. Pour l’avoir vécu, et en présence du compositeur, la mise en place d’un ralentissement suivi d’un silence et d’une pêche de fin a été laborieuse alors que nous étions 10 musiciens plutôt aguerris. Mais il y avait 10 respirations différentes.

    C’est pour ça que je ne peux pas jouer en groupe, parce que je ne ressens pas la musique de la même manière. Parce que l’émotion musicale transcende la technique et est propre à chacun.

    Certains morceaux hyper carrés avec des mises en place plus ou moins complexes dans leur composition et leur interprétation apporte un côté grisant et jubilatoire. Est-ce ou n’est ce pas une émotion musicale ?

    Aurais-tu des exemples ?

    On revient donc à la même question. La destination d’une œuvre musicale est elle de rester dans la tête du compositeur ?

    Pas de rester dans la tête du compositeur, mais d’y être fidèle.

    Alors il y a un truc que je n’ai pas du comprendre. Dans ton 1er message, tu parles du langage musical. Un langage suppose à mon sens, un vocabulaire, une grammaire, conjugaison , syntaxe etc etc et nécessite donc un apprentissage.
    […]
    Pour moi il y a là une contradiction, veux tu bien m’éclairer stp ?

    Non ma vision du langage est beaucoup plus large.
    Les notes sont l’alphabet. A partir de ces notes on peut écrire toutes les musiques utilisant cet alphabet.
    De la même manière qu’avec notre alphabet on peut écrire dans toutes les langues qui l’utilisent (ce qui n’empêche pas d’autres langues d’utiliser d’autres alphabet au même titre que dans la musique indienne et orientale par exemple on va pouvoir trouver d’autres notes … mais restons dans la musique occidentale pour ne rien compliquer).

    Donc à partir de cet alphabet, de ces notes, on va pouvoir écrire des mots, des phrases qui vont avoir un certain sens, propre à chacun puisque la sémantique n’a jamais été fixée … encore que, pourquoi les accords mineurs vont avoir une conotation triste ? qu’est ce qui va faire que l’on va ressentir des tensions ? C’est précisément là où il y a un croisement de la musique et des neurosciences.

    Enfin bref, avec ce langage musical on va pouvoir écrire des choses, de la même manière qu’avec n’importe quel langage. Si l’on se contente de placer des lettres ou des mots les uns derrière les autres, ça ne formera pas de sens, mais encore une fois le “sens” de la musique on n’a pas besoin de l’apprendre, sinon les personnes qui n’ont pas étudié la musique ne seraient pas capable de ressentir des émotions en en écoutant.

    Et donc après, composer c’est justement arriver à utiliser ces quelques notes pour former des structures qui racontent quelque chose, au même titre qu’un livre va pouvoir conter une histoire. Après rien n’empêche de juste écrire les notes n’importe comment ou en suivant des règles complètement arbitraires, mais auquel cas on s’appelle Pierre Boulez. Et ça revient au même que d’utiliser notre alphabet pour écrire “abcd hgfe ijkl m n rqpo stuv zyxw”, peut-être qu’une poignée de personne va trouver ça original et l’apprécier, mais pour tout le reste ça n’aura juste aucune signification et je me place dans ce second groupe.

    Et le langage musical ne nécessite pas nécessairement un apprentissage, dès le moment où on a la sémantique, on peut apprendre tout seul, sans connaître la grammaire, on va la découvrir par nous même petit à petit. D’ailleurs tu citais toi-même Django Reinhardt.

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