Poésie

  • Poésie

    Publié par Membre Inconnu le 5 décembre 2017 à 23 h 42 min

    Un poème découvert dans la série Penny Dreadful qui m’a énormément touché, “I am” de John Clare.
    Récité par le personnage jouant la créature de Frankenstein, un Infp pur souche.
    Quelqu’un en a fait une traduction géniale en Français :

    « Je suis – mais qui je suis, nul ne sait ou s’en soucie ;
    Mes amis me délaissent tel un souvenir vieux :
    De mes propres souffrances je me rassasie-
    Elles enflent et meurent dans un essaim oublieux
    Comme les ombres de nos affres amoureuses-
    Et pourtant je suis et je vis –ballotté, vaporeux,

    Dans le vaste néant du mépris et du bruit,
    Dans l’océan vivant des rêves éveillés
    Sans le moindre bonheur et sans la moindre vie,
    Seul le grand naufrage de mes vies estimées ;
    Et même les êtres que j’aime, les êtres chers,
    Me sont devenus étrangers –et je les perds.

    Je rêve de lieux ou nul homme n’a marché,
    Où nulle femme encore n’a souri ni pleuré,
    Ainsi là avec Dieu, toujours, y demeurer,
    Et rêver tel qu’enfant doucement j’ai rêvé,
    Serein et calme, couché dans un songe éternel,
    L’herbe en dessous –par-dessus, l’arche du ciel. »

    ———————————————————-

    I am—yet what I am none cares or knows;
    My friends forsake me like a memory lost:
    I am the self-consumer of my woes—
    They rise and vanish in oblivious host,
    Like shadows in love’s frenzied stifled throes
    And yet I am, and live—like vapours tossed

    Into the nothingness of scorn and noise,
    Into the living sea of waking dreams,
    Where there is neither sense of life or joys,
    But the vast shipwreck of my life’s esteems;
    Even the dearest that I loved the best
    Are strange—nay, rather, stranger than the rest.

    I long for scenes where man hath never trod
    A place where woman never smiled or wept
    There to abide with my Creator, God,
    And sleep as I in childhood sweetly slept,
    Untroubling and untroubled where I lie
    The grass below—above the vaulted sky.

    https://www.youtube.com/watch?v=yDgEqbHxit8

    Membre Inconnu a répondu il y a 2 années, 2 mois 22 Membres · 36 Réponses
  • 36 Réponses
  • sihrez

    Membre
    6 février 2018 à 20 h 44 min

    Magnifique poème

  • Membre Inconnu

    Membre
    24 février 2018 à 17 h 17 min

    très beau.

  • lepassant

    Membre
    3 mars 2018 à 1 h 49 min

    Il vous naît un poisson qui se met à tourner
    Tout de suite au plus noir d’une lame profonde.
    Il vous naît une étoile au-dessus de la tête
    Elle voudrait chanter mais ne peut faire mieux
    Que ses soeurs de la nuit les étoiles muettes.

    Il vous naît un oiseau dans la force de l’âge,
    En plein vol et cachant votre histoire en son coeur
    Puisqu’il n’a que son cri d’oiseau pour la montrer.
    Il vole sur les bois, se choisit une branche
    Et s’y pose, on dirait qu’elle est comme les autres.

    Où courent-ils ainsi, ces lièvres, ces belettes,
    Il n’est pas de chasseur encor dans la contrée,
    Et quelle peur les hante et les fait se hâter,
    L’écureuil qui devient feuille et bois dans sa fuite,
    La biche et le chevreuil soudain déconcertés ?

    Il vous naît un ami, et voilà qu’il vous cherche
    Il ne connaîtra pas votre nom ni vos yeux
    Mais il faudra qu’il soit touché comme les autres
    Et loge dans son coeur d’étranges battements
    Qui lui viennent de jours qu’il n’aura pas vécus.

    Et vous, que faites-vous, ô visage troublé,
    Par ces brusques passants, ces bêtes, ces oiseaux,
    Vous qui vous demandez, vous, toujours sans nouvelles,
    «Si je croise jamais un de mes amis lointains
    Au mal que je lui fis vais-je le reconnaître ?»

    Pardon pour vous, pardon pour eux, pour le silence
    Et les mots inconsidérés,
    Pour les phrases venant de lèvres inconnues
    Qui vous touchent de loin comme balles perdues,
    Et pardon pour les fronts qui semblent oublieux.
    _________

    Voilà, un petit poème de ma création… 🙂

    Hum hum… en fait nan, si vous ne l’aviez pas deviné c’est de Jules Supervielle, Les amis inconnus 😀

  • theom

    Membre
    28 mai 2018 à 14 h 34 min

    Henri Michaux, “Pensées”

    Penser, vivre, mer peu distincte;
    Moi – ça – tremble,
    Infini incessamment qui tressaille.

    0mbres de mondes infimes,
    ombres d’ombres,
    cendres d’ailes.

    Pensées à la nage merveilleuse,
    qui glissez en nous, entre nous, loin de nous,
    loin de nous éclairer, loin de rien pénétrer;

    étrangères en nos maisons,
    toujours à colporter,
    poussières pour nous distraire et nous éparpiller
    la vie.

  • Membre Inconnu

    Membre
    2 juin 2018 à 13 h 39 min

    Merci theom, pour le partage de ces mots envolés d’Henry Michaux.
    Je ne connaissais pas ce poète, je me suis donc rendue sur Babelio pour survoler un peu son univers et cela m’a donné envie de le découvrir.

    Je me suis laissée emporter par cette pensée de lui :

    “Si un contemplatif se jette à l’eau, il n’essaiera pas de nager, il essaiera d’abord de comprendre l’eau. Et il se noiera”

  • Membre Inconnu

    Membre
    2 juin 2018 à 13 h 50 min

    Au bord de l’eau
    René-François Sully Prudhomme (1839-1907)

    S’asseoir tous deux au bord d’un flot qui passe,
    Le voir passer ;
    Tous deux, s’il glisse un nuage en l’espace,
    Le voir glisser ;
    À l’horizon, s’il fume un toit de chaume,
    Le voir fumer ;
    Aux alentours, si quelque fleur embaume,
    S’en embaumer ;
    Si quelque fruit, où les abeilles goûtent,
    Tente, y goûter ;
    Si quelque oiseau, dans les bois qui l’écoutent,
    Chante, écouter…
    Entendre au pied du saule où l’eau murmure
    L’eau murmurer ;
    Ne pas sentir, tant que ce rêve dure,
    Le temps durer ;
    Mais n’apportant de passion profonde
    Qu’à s’adorer ;
    Sans nul souci des querelles du monde,
    Les ignorer ;
    Et seuls, heureux devant tout ce qui lasse,
    Sans se lasser,
    Sentir l’amour, devant tout ce qui passe,
    Ne point passer !

  • Membre Inconnu

    Membre
    5 juin 2018 à 14 h 35 min

    Fernando Pessoa “Le gardeur de troupeaux”

    Le mystère des choses, où donc est-il ?

    Où donc est-il, qu’il n’apparaisse point

    pour nous montrer à tout le moins qu’il est le mystère ?

    Qu’en sait le fleuve et qu’en sait l’arbre ?

    Et moi, qui ne suis pas plus qu’eux, qu’en sais-je ?

    Toutes les fois que je regarde les choses et que je pense à ce que les hommes pensent d’elles,

    je ris comme un ruisseau bruit avec fraîcheur sur une pierre.

    Car l’unique signification oculte des choses,

    c’est qu’elles n’aient aucune signification occulte.

    Il est plus étrange que toutes les étrangetés

    et que les songes de tous les poètes

    et que les pensées de tous les philosophes,

    que les choses soient réellement ce qu’elles paraissent être

    et qu’il n’y ait rien à y comprendre.

    Oui, voici ce que mes sens ont appris tout seuls :

    les choses n’ont pas de signification,

    elles ont une existence.

    Les choses sont l’unique sens occulte des choses.

  • Membre Inconnu

    Membre
    6 juin 2018 à 14 h 38 min

    L’albatros

    Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
    Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
    Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
    Le navire glissant sur les gouffres amers.

    A peine les ont-ils déposés sur les planches,
    Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
    Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
    Comme des avirons traîner à côté d’eux.

    Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
    Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !
    L’un agace son bec avec un brûle-gueule,
    L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait !

    Le Poète est semblable au prince des nuées
    Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
    Exilé sur le sol au milieu des huées,
    Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.

    Charles Baudelaire

  • deepfunpact

    Membre
    6 juin 2018 à 16 h 51 min

    @theom J’aime beaucoup le Michaux.

  • Membre Inconnu

    Membre
    13 juin 2018 à 14 h 44 min

    EL DESDICHADO

    Je suis le Ténébreux, – le Veuf, – l’Inconsolé,
    Le Prince d’Aquitaine à la Tour abolie :
    Ma seule Etoile est morte, – et mon luth constellé
    Porte le Soleil noir de la Mélancolie.

    Dans la nuit du Tombeau, Toi qui m’as consolé,
    Rends-moi le Pausilippe et la mer d’Italie,
    La fleur qui plaisait tant à mon coeur désolé,
    Et la treille où le Pampre à la Rose s’allie.

    Suis-je Amour ou Phébus ?… Lusignan ou Biron ?
    Mon front est rouge encor du baiser de la Reine ;
    J’ai rêvé dans la Grotte où nage la sirène…

    Et j’ai deux fois vainqueur traversé l’Achéron :
    Modulant tour à tour sur la lyre d’Orphée
    Les soupirs de la Sainte et les cris de la Fée.

    Gérard de Nerval

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