Dévalorisation et moquerie de la culture scientifique par la société

  • Dévalorisation et moquerie de la culture scientifique par la société

    Publié par lf037 le 30 septembre 2018 à 13 h 36 min

    Bonjour à tous !
    Je suis tombé sur cet article [en anglais] : https://medium.com/s/story/how-a-tv-sitcom-triggered-the-downfall-of-western-civilization-336e8ccf7dd0

    Ça parle d’un sujet qui me tient beaucoup à cœur : pourquoi la science est elles aussi dévalorisée dans notre société ?

    Typiquement, dans une conversation lambda, si on dit un truc qui a un rapport de prêt ou de loin avec des maths, de la physique, de la science globalement, de la philosophie, Presque 8 fois sur 10, on va avoir pour réponse “non mais c’est trop compliqué pour moi”. Et plus grave encore : c’est considéré comme “cool” de le dire (suffit de passer une peu de temps sur facebook pour s’en rendre compte…)

    Si dans un débat politique on commence à évoquer des arguments scientifiques et à vouloir les expliquer, on se retrouvera moqué sous la justification implicite ou explicite “cela n’intéresse pas les Français, eux ils veulent que le chômage baisse”.

    On peut aussi rajouter les journalistes qui posent une question, qui laissent répondre quelques mots, et coupent “l’invité” (ou le “prisonier”, ça dépend des émissions) pour balancer une vanne…
    …balancer une vanne, ok, c’est drôle, mais seulement si elle est à propos, et si on laisse poursuivre après…

    Enfin, quelqu’un faisant de la télé-réalité ou du foot gagnera 100 fois plus qu’un scientifique… Qui lui, se prend la tête toute la journée pour résoudre un problème tellement spécifique que seules quelques centaines de personnes dans le monde ont ne serait-ce que connaissance du problème…

    L’article précédemment cité apporte une théorie super intéressante accusant la série Friends qui, par sa popularité, a peut-être aidé à en arriver là (ou en tout cas, n’as certainement pas aider à améliorer la situation).

    Membre Inconnu a répondu il y a 5 années, 6 mois 6 Membres · 10 Réponses
  • 10 Réponses
  • lf037

    Membre
    30 septembre 2018 à 13 h 37 min

    (Note : J’ai pas vraiment trouvé de forum super adapté, du coup, je poste là, considérant que c’est une situation qui me frustre dans ma vie de tous les jours)

  • olbius

    Organisateur
    30 septembre 2018 à 14 h 39 min

    J’ai créé un groupe “Science”, que tu as donc l’honneur d’inaugurer 😉

    La question que tu soulèves, ne serait-ce pas une question de démarche scientifique, rationnelle (scepticisme, zététique and co), par “opposition” à la démarche émotionnelle ?

  • paradigm

    Membre
    30 septembre 2018 à 14 h 47 min

    Sujet super intéressant.
    Je pense que ça ne se cantonne pas qu’à la science, mais au savoir en général. Être cultivé et le montrer aujourd’hui c’est mal perçu.

    Il y a à mon sens plusieurs raisons à ce phénomène. La télé peut jouer un rôle en effet mais c’est loin d’être la cause réelle du problème qui est bien plus large et complexe.
    C’est avant tout un problème d’éducation au sens large. Aujourd’hui on ne nous apprend plus à être critique, à nous intéresser. Les programmes scolaires sont faits pour nous apprendre certaines choses précises, appliquer des méthodes et ne pas ouvrir son esprit.
    Le monde du travail n’arrange rien avec la segmentation à l’extrême de rôles qui fait qu’une personne, même en haut de l’échelle ne sera habilitée qu’à faire un tâche bien précise.

    Et c’est super-conditionnement qui implique cette fermeture vis à vis de la culture générale, des sciences …
    Je ne veux pas entrer dans un quelconque débat politique, mais un peuple conditionné qui ne s’intéresse pas au progrès et au monde extérieur est un peuple facile à contrôler, qui ne posera pas de questions. Je ne dis pas non plus qu’il y a une théorie du complot bien sûr, il n’y en a pas besoin, les choses se font toutes seules.

    Le phénomène se remarque aussi chez les “intellectuels” : concrètement qui sont les grands penseurs contemporains ? Y en a-t-il seulement ? Oui sans doute, mais ils ne touchent qu’une très petite minorité de personnes et sont totalement inconnus du grand public.

    Il y a un indicateur particulièrement intéressant, c’est la place de l’enseignant dans la société. Si l’on remonte un siècle en arrière, les instituteurs et professeurs étaient parmi les personnes les plus respectées parce qu’elle avaient le rôle de transmission du savoir. Et c’est un indicateur que l’on retrouve dans toutes les communautés ou sociétés : celui qui a le savoir est respecté parce que c’est lui qui va pouvoir garantir la pérennité et la croissance de la civilisation.
    Et si l’on regarde la place des enseignants dans notre société actuelle on comprend tout de suite le problème. Et pour quelle raison ? Parce qu’il ne faut pas que la société évolue, sinon les puissances en place perdront leurs pouvoirs, leurs contrôles, leurs profits …
    Donc on fait en sorte de laisser aux gens juste le minimum dont ils ont besoin pour vivre sans trop se rebeller, les occuper au maximum avec un travail inutile pour qu’ils ne prennent pas trop le temps de s’instruire ou réfléchir, leur laisser quelques loisirs mais trop pour leur donner l’illusion de confort de liberté.

    Petit à petit le scientifique, est donc devenu ce personnage différent, qui lui s’intéresse à des choses que les gens n’ont pas envie de prendre le temps de comprendre, parce qu’ils n’ont pas appris à s’intéresser par eux-mêmes ayant été formatés par le système scolaire.
    Et les gens différents, et bien on ne les aime pas trop a priori …

    Donc je pense que la télé ne fait que véhiculer un message déjà bien ancré dans les mentalités.

    (Désolé si tout ça est un peu fouillis, c’est une réaction à chaud)

  • Membre Inconnu

    Membre
    30 septembre 2018 à 15 h 07 min

    Merci @paradigm de telle réaction à chaud… on en a réellement besoin.

  • lf037

    Membre
    30 septembre 2018 à 16 h 37 min

    @paradigm vision très Brave new world x)

    Je peux peut-être me tromper, mais je ne pense pas que les politiques et personnes “influentes” soient réellement intéressées par “contrôler les foules” (du moins, en tant que but).

    Je pense plus plutôt que parmi les personnes influentes, certaines sont tellement mal au fond d’elles-même qu’il ne leur reste plus que l’argent et le pouvoir pour satisfaire leur “raison d’être”. Et d’autres, sont juste “égoïstes” et pensent avant tout à leur situation sociale et économique, en s’en fichant si pour maintenir leur standing, il faut détruire des écosystème et mettre en péril l’avenir de l’espèce. Et enfin, certains pensent juste “bien faire” en écoutant le vœux de ce qu’ils pensent (à tord ou à raison) être une majorité.

    Pour le reste, j’ai surtout l’impression qu’on est une espèce qui est sociable dans l’adversité. À l’échelle macroscopique, les grecs se faisaient la guerre jusqu’à ce que les perses les menaces tous. Du coup, ils se sont alliés. on a aussi la coalition contre Napoléon, puis contre les allemands etc.

    À plus petite échelle, le harcèlement scolaire démarre d’une petite blague sur une personne “différente”, puis une deuxième, puis un petit groupe de personne. Ensuite, “prendre la défense” du harcelé est aussi source de blagues, et donc, on se range du côté de la majorité pour ne pas être “mal vu”. Et enfin, ça escalade pour “faire rire” les camarades jusqu’à en devenir des insultes. (Ce sont des observation personnelles sur des dizaines de cas que j’ai pu côtoyer, et j’en ai moi-même été victime à un moment)

    À partir de là, les personnes “intellectuelles” (ce mot ne veut rien dire… mais bon) ont évidemment toujours été une population “à risque”. Mais on a assisté effectivement à une transition où la science et la connaissance étaient respectées [un minimum]… À une situation où celles-ci sont devenues moquées, et les personnes les pratiquant considérées comme “relous”.

    L’hypothèse de l’article, c’est que des séries comme Friends aient pu participer à cette transition : vu l’audience de la série (25 million de personnes en moyenne, 50 million pour certains épisodes), il est inévitable que les gens en aient parlé au travail, aux pauses café, et “refait” les blagues par mimétisme (ce dernier point n’est pas dans l’article mais issu de ma réflexion sur comment la série a pu influencer).

    Rappelons que ces même personnes sont celles qui ont élevés les enfant qui étaient ados dans les années 2000.
    À force d’être imprégné d’une série, on fini par mimétiser de manière inconsciente l’attitude des personnages auxquels on s’attache, et les enfant à leur tour imite l’attitude de leur parent en se posant encore moins de questions vu qu’avant l’adolescence, parent = Dieux.

    Et comme ce phénomène est global (ce n’est pas juste une famille qui est touchées, mais bien toute une catégorie socio-professionnelle ayant des prédispositions pour aimer et/ou regarder une série comme Friends), il se crée une sorte d’identité et de culture, en l’occurrence de la moqueries de ceux qui savent.

    Bien-sur, tout ce que je dis là n’a aucune valeur scientifique, et ne s’appuie que sur des observation personnelles et donc forcément subjective. Néanmoins, je pense qu’il est toujours bon de donner à réfléchir 🙂

  • Membre Inconnu

    Membre
    30 septembre 2018 à 17 h 12 min

    Peut-être que tout simplement la science n’a jamais intéressé la grande majorité.

    Et l’augmentation de la population et l’évolution rapide de la société vers un consumérisme de plus en plus effréné fait en sorte que ce phénomène de désintérêt est particulièrement visible.

  • lf037

    Membre
    30 septembre 2018 à 18 h 03 min

    Pour ma part, ce n’est pas vraiment le désintérêt qui me gène (après tout, on a tous le droit d’avoir des centres d’intérêt différents, il faut bien reconnaître que réfléchir à des problématiques complexes demande un certain effort…), ce qui me dérange en revanche, c’est le “science bashing” général qu’on observe depuis quelques temps. Et surtout qu’on soit “fier” d’être nul en science. Ne rien connaître en science, ok, ce n’est pas une honte, mais en aucun cas ce devrait être une fierté…

    …Et du coup, certaines personnes qui aurait pu vouloir faire de la sciences renoncent pour “faire comme les autres” et ne pas devenir le “nerd” (Pour rester dans les séries, Malcom montre bien cette problématique)

  • paradigm

    Membre
    30 septembre 2018 à 18 h 41 min

    Il y a aussi ce côté « mais ça te sert à quoi dans la vie de tous les jours ? » et le côté si ce gars passe son temps à lire des bouquins de science c’est qu’il n’a rien de mieux à faire de sa vie, il n’a pas de vie sociale … comme si c’était incompatible …
    Je l’ai expérimenté pendant ma scolarité, mais bon j’ai toujours été dans des filières scientifiques, donc le phénomène était mineur.

    Il y a aussi une série qui à mon sens n’a pas fait du bien c’est The Big Bang Theory.
    Personnellement j’ai regardé quelques épisodes et j’ai arrêté tellement je trouvais ça pas drôle d’un côté mais aussi et surtout extrêmement négatif pour l’image des scientifiques. Alors bien sûr ça reste du cliché, mais aujourd’hui le second degré c’est aussi quelque chose en voie de disparition.

    Enfin je pense qu’il y a aussi une grosse méconaissance des professions.
    Dans l’imaginaire collectif une scientifique c’est encore un mec en blouse avec des tubes à essai. Si les différentes professions scientifiques étaient clairement expliquées à l’école cela réduirait problablement considérablement cette image négative.

    Ça je le vois très bien quand j’essaye d’expliquer ce que je fais à des personnes lambda (recherche en informatique). La plupart des gens n’ont pas idée un seul instant que ce que je fais pusise exister. Quand je leur explique, si ils prennent le temps de s’y intéresser, ils vont finir par trouver ça utile et positif ; mais trop souvent les réactions sont « pas la peine de m’expliquer, je ne vais rien comprendre ».
    Donc selon moi, le problème réside toujours au même endroit : l’éducation.

  • Membre Inconnu

    Membre
    1 octobre 2018 à 0 h 37 min

    @lf037

    A mon avis faire un parallèle entre Friends et la dévalorisation des intellectuels ou des scientifiques dans la société relève plus ou moins du sophisme. Heureusement, l’auteur du billet que tu cites se rattrape avec les solutions qu’il énumère en seconde partie.

    Mais commençons par reprendre l’exemple de Friends

    Si effectivement Ross fait souvent l’objet de railleries c’est à cause de sa naïveté et ses difficultés à interagir avec les individus qui l’entourent. Le personnage interprété par David Scwimmer est en décalage à cause de ses intérêts mais surtout, à cause de son conservatisme.

    A l’inverse, dans la même série, Chandler se moque continuellement et sans vergogne de l’inculture de Joey. Dans un épisode, par exemple, Chandler persuade Joey de choisir « Joseph Staline » comme nom de scène ; ce dernier réfléchissant à un moyen de donner un coup de pouce à sa carrière.
    Joey est l’exact opposé de Ross même dans sa façon d’évoluer au quotidien.
    Il est sur-adapté au monde moderne, pourrait-on dire.

    Si je me focalise sur les rapports entre Chandler et Joey, je peux élaborer un raisonnement selon lequel les séries sont élitistes. Je pourrais étayer cette idée en outre, en m’appuyant sur The Big Bang Theory ou d’autres fictions (cela ne manque pas)…

    La première partie du texte de Hopkins me fait penser à ceux que l’on proférait pendant mes vertes années : la bande dessinée, le football, le rock, le cinéma de genre… étaient tour à tour démoralisants, abrutissants, responsables de l’indigence générationnelle.
    Or, en ce qui me concerne, c’est grâce à la bande dessinée et la littérature de genre que je me suis réconcilié avec le roman – et, d’une manière générale avec le « savoir ». Ce n’est certainement pas avec les crétineries que l’on me proposait au collège (comme, Mon bel oranger de José Mauro de Vasconcelos) que j’allais m’ouvrir sur le monde.

    Le dénigrement du « savoir » au profit du pragmatisme ne puise pas ses causes dans des épiphénomènes comme ceux énumérés plus haut, mais dans un changement de civilisation. Beaucoup d’intellectuels ont écrit à ce sujet. Je pense bien sûr à Guy Debord, Jean Baudrillard ou Hannah Arendt (et bien d’autres en vérité). Tous dénoncent à leur façon « la société de consommation » en mettant en exergue ses valeurs narcissiques, son injonction à jouir immédiatement – sans efforts –, son déracinement « Historique » au profit de communautés illusoires « culturelles ».

    Même si je suis d’accord avec les propositions de Hopkins, je ne crois pas que les nerds ou autres alpha geek sont les plus à plaindre. Ils sont au contraire utiles à la société et ne la remette pas en cause. Non, ceux qui ont de vrais raisons de se plaindre mènent leur combat sur le terrain des idées.

    Je rejoins donc totalement les idées de @paradigm.

  • Membre Inconnu

    Membre
    1 octobre 2018 à 20 h 15 min

    Alors n’ayant ni télé, ni compte sur les réseaux sociaux, et ne regardant pas de séries,
    je n’ai pas constaté de science bashing et je n’ai donc pas d’avis sur le rôle de ces supports. Tout au plus pourrais je dire que je ne suis pas surpris…

    Néanmoins, je partage le même avis que celui ci :
    Tous dénoncent à leur façon « la société de consommation » en mettant en exergue ses valeurs narcissiques, son injonction à jouir immédiatement – sans efforts –, son déracinement « Historique » au profit de communautés illusoires « culturelles ».

    Qui est assez proche de celui ci : “il faut bien reconnaître que réfléchir à des problématiques complexes demande un certain effort”

    Et le dénigrement général vient donc peut-être du phénomène de l’appartenance au groupe. Et la majorité finit par tenir ce discours pour ne pas se faire rejeter du groupe.

    Quant à l’éducation, c’est complexe car il faut avoir un sacré talent d’enseignant pour réussir à intéresser des personnes qui ont décrété que les matières scientifiques étaient inutiles et inintéressantes surtout si à la clé, elles courrent le risque de se faire exclure et humilier par leur groupe.

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