Répondre à: Hyperactifs, surdoués, autistes… La tentation du “surdiagnostic”…

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    2 août 2020 à 15 h 16 min

    La suite de l’article S&V en référence ci-après :

    [Pour expliquer l’augmentation des cas de “zèbre”]…

    “L’évolution de la pratique médicale, d’abord. C’est particulièrement vrai pour l’autisme, qui a fait l’objet ces dernières décennies de l’amélioration du dépistage et de la prise en charge, encourageant familles et médecins à poser un diagnostic. Il a également, et surtout, connu un élargissement des critères de diagnostic en changeant de nom : On est en effet passé d’autisme à “troubles envahissant du développement”, puis à “troubles du spectre autistique” (TSA).

    Une méta-analyse publiée l’été dernier et menée par Laurent Mottron, spécialiste de l’autisme à l’université de Montréal, a ainsi révélé que le nombre croissant de diagnostics d’autisme partout dans le monde est lié à une diminution constante, au cours des cinquante dernières années, de la différence entre les personnes recevant un diagnostic et le reste de la population. Autrement dit, les critères diagnostiques se sont tellement élargis que les autistes diffèrent de moins en moins des non-autistes, tant sur le plan psychologique que neurologique. “Ils sont de plus en plus semblables entre eux. Si la tendance se maintient, dans moins de dix ans on n’aura plus de différence mesurable entre autistes et non-autistes”, prévient le psychiatre.

    Idem pour le TDAH : Sa prévalence a augmenté à partir des années 1990 avec le simple changement de critère proposé dans la quatrième version du “DSM” (Diagnostic and Statistical Manuel of mental disorders), la “bible” de la psychiatrie mondiale. Une tendance qui s’est renforcée en 2013 avec la parution du DSM-5, au point de rendre ce trouble, selon certains spécialistes, bien peu spécifique. “La définition actuelle du TDAH est superficielle, c’est un fourre-tout”, déplore le psychiatre Louis Vera, auteur de “Tous précoces, tous hyperactifs, vraiment ?” (paru en 2019).

    “L’inattention, l’agitation, l’impulsivité, qui sont les 3 critères d’identification, se retrouvent chez n’importe quel enfant fatigué !” Ou immature. Une récente étude américaine menée par Tymothy Layton, de l’Ecole de médecine de Harvard, a en effet révélé que le taux de TDAH était 34% plus élevé chez les enfants les plus jeunes d’une classe… souvent moins attentifs et plus agités. Et il suffit de constater les énormes écarts de prévalence du trouble en fonction des pays pour comprendre que c’est aussi une construction sociale -les chiffres varient de 6,9% à 16,6% selon les régions du Québec ! Des disparités qui peuvent être liées à des pratiques hétérogènes, une offre de santé inégale, mais des facteurs culturels, certaines sociétés tolérant davantage l’agitation que d’autres.

    Quant au haut potentiel, si le critère pour le détecter -le score de QI- n’a pas changé, il y a une explosion des consultations : De plus en plus sollicités, les psychologues font passer des tests sans toujours être experts, avec pour résultat des conclusions parfois hasardeuses. “Vous avez parfois des tests passés à la va-vite par des gens pas toujours bien formés et donc des choses un peu aberrantes en termes de restitution des résultats”, remarque Nathalie Clobert, psychologue clinicienne.

    Mais ce n’est pas tout. Les patients ont aussi tendance à rechercher davantage ces diagnostics pour eux-mêmes ou leurs enfants. “Quand on ne va pas bien ou qu’on est malheureux, on préfère se dire que c’est parce qu’on est trop intelligent… Et quand cette idée est partagée par des professionnels, ce qui arrive, cela créé une sorte d’entente pour déclarer à haut potentiel à peu près n’importe qui n’allant pas bien s’il n’a pas un QI catastrophique”, observe Nicolas Gauvrit, psychologue du développement et chercheur en sciences cognitives au laboratoire Cognitions humaine et artificielle (Chart), à Paris.

    LA PRESSION DE L’ECOLE :

    Au-delà d’un phénomène de mode, la pression de l’école ou des enseignants incite aussi à la détection des jeunes qui ne répondent pas aux normes de l’institution scolaire. Le ministère de l’Education Nationale a ainsi beaucoup communiqué, ces dernières années, sur la possibilité que, parmi les enfants en échec scolaire, pourraient se cacher des surdoués ou des enfants souffrant d’un TDAH. Et ce, en dépit de l’incongruité, parfois, des informations diffusées : L’échec concernerait un tiers des jeunes surdoués, lit-on sur des documents officiels. Des chiffres largement diffusés… Et pourtant infondés. “Les données disent le contraire”, martèle Nicolas Gauvrit. “Les gens à haut potentiel sont beaucoup moins en échec. Mais beaucoup continuent à le penser”. Et n’hésitent pas à inverser le raisonnement : Si un jeune est en échec scolaire, c’est sans doute parce qu’il est surdoué. “Si les parents rencontrent un psychologue bienveillant, qui pense aussi que la douance est une explication de l’échec scolaire, celui-ci prétendra peut-être, face à un QI de 115, que le vrai QI de l’enfant est en fait plus élevé, mais que son anxiété a fait chuter le score. C’est une explication que l’on entend souvent. Le psychologue explique que même si le vrai QI n’atteint pas tout à fait 130, c’est une problématique haut potentiel. Et les parents s’emparent de ça !”

    Quant au TDAH, l’Académie de Paris n’hésite pas à le définir comme une “maladie neurologique” d’origine génétique (touchant surtout les garçons). Une conception loin de faire l’unanimité parmi les scientifiques, mais qui poussent enseignants, psychologues et médecins scolaires à répérer les enfants soupçonnés d’en souffrir. Résultats : “Alors qu’il y a vingt ans on envoyait tous les enfants en difficulté chez l’orthophoniste [c’était mon cas ^^], on les envoie aujourd’hui chez le psychologue pour identifier un TDAH ou un haut potentiel”, note Louis Vera. “On a eu la vague dyslexie, puis la vague dysphasie, et maintenant c’est au tour du TDAH”, constate une psychologue d’un centre médico-psychologique de province. “De nombreux parents viennent parce qu’ils savent que le médecin va leur prescrire un médicament et que leur enfant va se tenir tranquille ; Et l’école en envoie aussi…” Mais cette vague d’identifications s’accompagne aussi d’un juteux business : Des salons comme “Surdouessence” et une ribambelle de coachs proposent des accompagnements personnalisés pour les adultes à haut potentiel -il existe même des sites de rencontre pour “neuro-atypiques” [autre que RS bien entendu ^^] !

    Pourtant le surdiagnostic peut poser des problèmes. Il implique parfois des traitements médicamenteux qui ne sont jamais anodins chez des enfants n’en ayant pas besoin. Sans compter que ces étiquettes peuvent être lourdes à porter. “Si on vous dit que vous êtes autiste alors que vous ne l’êtes pas, ça donne un truc complètement fou au niveau de la compréhension qu’on a de soi”, rappelle Louis Mottron sur le site Psychomedia. Etre identifié surdoué à tort peut aussi être oppressant. “L’enfant ressent l’attente de ses parents, il a immédiatement une pression sur ses épaules”, observe Louis Vera. Et ce n’est pas mieux en cas de forte présomption non confirmée, raconte une psychologue ; “L’école met ça dans la tête des parents et quand il s’avère que l’enfant n’est pas haut potentiel, ils sont déçus. Or l’enfant ressent cette déception.”

    On le voit, le surdiagnostic est d’autant plus inquiétant qu’il est extrêmement difficile à caractériser. Quant à cette manie de médicaliser les comportements et d’enfermer chacun dans une catégorie diagnostique, est-ce qu’elle a, elle, un nom ?