Répondre à: De nombreux grands scientifiques sont croyants.

  • nowavesthanks

    Membre
    21 avril 2021 à 0 h 09 min

    Bonsoir,

    Ces temps-ci sont, pour moi, chargés en taches beaucoup plus administratives que pédagogiques ou en lien avec mes recherches, donc je mets du temps à lire et à répondre aux posts sur ce site, notamment.

    Je ne connais pas la géographie herméneutique, mais, j’irai jeter un œil à l’occasion.

    Je ne sais pas si j’ai été suffisamment clair, mais, pour moi, la croyance commence là où s’arrête la connaissance, et, si la science a un lien plus ou moins étroit avec la connaissance, je ne pense pas que ce soit le cas de la croyance. Le croyant n’a pas besoin de tester, de preuves, si on pousse cette pratique à l’extrême, puisqu’il croit (lui dit sait) qu’il détient LA vérité. Or, pour moi, une connaissance n’est pas une vérité définitive, mais, une “vérité” du moment attendant qu’une autre “vérité” du moment la remplace car elle est moins fausse. Et, c’est là que la science, pour moi, touche à ses limites : ne pas renoncer à étudier toutes les “vérités” du moment, même si ce moment est installé depuis très longtemps, car ces “vérités” ne restent que ce que l’on a de moins faux “en magasin” pour décrire les phénomènes étudiés.

    Sauf que les phénomènes ne sont pas étudiés de manière objective mais dans le cadre d’expériences bâties sur des éléments théoriques (ce qu’Einstein aurait dit d’après Schrödinger dans mon souvenir, mais, je pourrai retrouver la source de cette citation), et, le problème associé réside, pour moi, dans ce que les expériences et les outils de mesure sont construits voire ne tiennent qu’en fonction des hypothèses ou de la théorie.

    Ainsi, en acoustique musicale, et plus particulièrement dans le cas des instruments à vent (branche que je connais assez), mes collègues ne font des mesures de pression (on ne sait pas trop faire grand chose d’autre en pratique et encore s’y on réfléchit à la nature de l’information fournie par un capteur de pression ou un microphone) et, partant du principe qu’il s’agit de phénomènes musicaux (notes de musiques), ils concentrent les mesures un peu en-dessous de la fréquence fondamentale. Ceci se traduit par un dispositif d’acquisition du signal délivré par le capteur de pression qui introduit un filtrage passe-haut avec une fréquence de coupure vers les 200 Hz dans le cas où les fréquences fondamentales les plus basses sont situées un peu au-dessus des 340 Hz.

    Or, introduire un filtre passe-haut revient à fortement atténuer, pas à éliminer, le contenu fréquentiel sous la fréquence de coupure et donc très très fortement atténuer le contenu très très proche de 0 Hz. Et, que constate-t-on en étudiant les signaux mesurés ? On constate qu’ils comportent une très petite composante continue qualifiée d’offset de calibration : donc pris pour une erreur de mesure ou de réglage du système d’acquisition.

    Pour ma part, j’ai effectué des mesures de pression à l’intérieur de canaux dans des harmonicas diatoniques, là où deux anches libres vibrent en fonction de la nature de l’excitation (soufflée ou aspirée) et de la configuration buccale adoptée par le musicien. Et, j’ai fait acheter un système d’acquisition pouvant faire des mesures à partir d’une fréquence très très proche du 0 Hz et monter très haut en fréquence en fonction de la fréquence d’échantillonnage. Le problème, peut-être réglé maintenant (mesures à la fin des années 90, donc au XXème siècle), tenait au fait que la carte d’acquisition n’était pas capable de sortir mieux que des signaux en 12 bits, donc pas équivalent à la qualité d’un CD audio (16 bits fixes avec une fréquence d’échantillonnage de 44,1 kHz). Et, j’avais réussi à faire acheter un capteur de pression de tout petit diamètre (2,4 mm) qui pouvait être glissé, affleurant, au fond des canaux sur un harmonica grâce au perçage d’un tout petit trou. Compte-tenu du budget limité, j’avais opté pour le modèle économique capable d’encaisser de l’ordre de 178 dB SPL, mais, je n’avais pas assez de budget pour acheter le conditionneur adapté (pré-amplificateur) et j’ai donc appris, sur le tas, à en fabriquer un (pas inintéressant certes mais cela a constitué quand même une perte de temps et un facteur limitant un peu plus la qualité des signaux).

    J’ai donc réalisé des mesures avec un musicien, sur des harmonicas diatoniques “torturés” (car on avait collé des jauges de déformation sur les anches pour mesurer leurs oscillations en cours de jeu, entreprise risquée car les jauges ou les soudures rendaient l’âme très très vite compte-tenu des sollicitations mécaniques importantes…) avec la consigne pour le musicien de souffler de manière normale, pas trop forte, pour maximiser les chances de collecter des données sur les oscillations des anches avant que les jauges (ou leur soudure) ne pètent. Cette consigne n’a pas évité qu’une bonne moitié des jauges a pété avant que l’on puisse avoir des résultats. Du coup, comme on avait cannibalisés 4 harmonicas sur deux canaux différents (faute de financement), les canaux 4 et 7, on a pu reconstituer deux harmonicas expérimentaux en remplaçant les plaques équipées pour les anches des canaux 4 et 7 car on a eu la chance que ce ne soient pas les deux mêmes anches équipées de jauges qui pètent. On a ainsi pu collecter un peu de signaux, plusieurs répétitions, pour la plupart des notes que le musicien réussissait à produire sur ces harmonicas “torturés” (les overnotes, overblows sur le canal 4 et overdraws sur le canal 7) étaient très difficiles à produire mais on a eu quelques indications sur ces modes de jeu. Par contre, sur des harmonicas normaux, avec juste un trou au fond des canaux pour y glisser le capteur de pression, on a pu collecter toutes les notes : soufflées et aspirées, bends aspirés (canal 4) ou soufflés (canal 7), overblows (canal 4) et overdraws (canal 7). Et, on a pu aussi faire des mesures sur le canal 3 où les deux anches ont des fondamentaux séparés de 2 tons, ce qui permet la réalisation de 3 bends aspirés : d’un demi-ton, d’un ton et d’un ton et demi.

    On a eu un peu de chance et j’ai eu raison de maintenir la consigne de ne pas souffler trop fort, même sur les harmonicas non “torturés”, car j’ai observés des pics de pression à 166 dB SPL à l’intérieur de l’instrument alors que le capteur de pression n’encaissait au maximum que 176 dB SPL. Ce sont des niveaux de pression encore plus importants que ceux mesurés à l’intérieur du résonateur des saxophones, en-deça du pavillon exponentiel, où les niveaux sont voisins de 140 dB SPL. Heureusement qu’aucune oreille humaine n’a accès à ces sons car on commence à avoir des soucis (petites douleurs après un période d’exposition plus ou moins longue) si on est exposé à 85 dB, et, on a vraiment mal aux oreilles très vite dès que le niveau dépasse les 105 dB (attaques plus ou moins instantanées de l’oreille avec des pertes pouvant être irréversibles).

    Mais, ce n’a pas été la seule surprise, et, avec plus de 20 ans de recul, la plus difficile à avaler. En fait, ce que j’ai pu observer, c’est que la quasi totalité de l’énergie de ces signaux de pression ne se concentre pas du tout dans la partie musicale (au-dessus de la fréquence fondamentale, soit au-dessus des 380 Hz pour les mesures sur le canal 4). Non, la quasi totalité de l’énergie contenue dans le signal de pression interne, mesurée en bout du canal, est très localisée sous les 30 Hz. Et, les signaux de pression obtenus ne sont pas des signaux bipolaires (avec des valeurs positives et négatives) mais des signaux unipolaires de surpression (par rapport à la pression atmosphérique) quand on soufflait dans l’instrument et de dépression quand on aspirait dans l’instrument. En fait, suivant les notes jouées, on avait une succession de répétitions d’un à deux pics (par période) très très étroits en temps, avec autant de répétitions par seconde que la fréquence de la note jouée. Ces signaux ressemblent en fait à des successions d’une à deux ondes de chocs violentes, successions qui se répètent plus de 390 fois par seconde… Par contre, à une dizaine de centimètres à l’extérieur de l’harmonica on a un niveau qui présente une atténuation de l’ordre de 90 dB SPL par rapport au niveau observé à l’intérieur de l’instrument et une énergie qui est localisée dans la fréquence fondamentale et ses harmoniques.

    Alors, qu’est-ce que cela signifie ? En quoi, cela illustre-t-il mon hypothèse quant à la croyance qui commence beaucoup plus tôt qu’on ne le suppose en science ?

    Actuellement, la quasi totalité des acousticiens sévissant en acoustique musicale, y compris dans l’étude des instruments à vent, pense (croit selon moi) que les phénomènes acoustiques à l’œuvre sont des ondes. Et, c’est ce qu’ils utilisent pour hypothèse pour décrire les “résonateurs” des instruments à vent : corps des saxophones, clarinettes, trompettes, trombones, haut-bois, … Sauf, que ce j’ai observé, mesuré et analysé ce ne sont pas des ondes car je n’ai pas des signaux qui correspondent à des petites perturbations (acoustiques) d’un signal de pression autour de la pression atmosphérique (donc une surpression ou dépression moyenne nulle). Non ! Les signaux de pression comportent des pics violents, des ondes de chocs très étroits temporellement en guise de période avec une surpression basse de l’ordre de plusieurs dizaines à centaines de Pascal et des pressions maximales atteignant les 1000 Pascal (overnotes) ou plusieurs milliers de Pascal pour les notes normales et les bends. Je peux donc calculer une pression moyenne par période, mais, cette valeur n’a aucun sens du point de vue physique car les variations de pression sont énormes et très rapides. En fait, on a des écoulements violents qui sortent de l’instrument au travers des anches quand on souffle et rentrent dans l’instrument, toujours au travers des anches, quand on aspire. Et, les anches se comportent comme des dispositifs qui hachent, modulent violemment, l’écoulement de l’air que l’on souffle ou que l’on aspire. Les phénomènes dans cette configuration, ne sont donc pas des ondes acoustiques (pas de transport de matière )mais des écoulements acoustiques très énergétiques (transport de l’air expulsé par le musicien ou aspiré par celui-ci) : l’harmoniciste vide ses tripes dans l’instrument quand il souffle ou les gonfle quand il aspire !

    Mais, ce n’est qu’un exemple, non ?

    D’abord, un contre-exemple devrait suffire à re-considérer l’hypothèse que les phénomènes à l’œuvre dans les instruments à vent sont des ondes acoustiques. Ensuite, pour le cas des instruments à anches libres que j’ai modélisé et simulé numériquement, je retombe sur la même conclusion : on a affaire à des écoulements acoustiques. J’ai même comparé ce que donnent les modélisations ondulatoires et d’écoulement acoustique dans le cas d’une anche libre chargée par un tube court (moins de 20 cm), et, les deux modèles donnent des résultats complètement différents, en faveur a priori de l’hypothèse des écoulements acoustiques (a priori car je n’avais plus accès au matériel pour faire des expériences), alors que la modélisation avec écoulement acoustique est censée correspondre à la limite très basse fréquence de la modélisation ondulatoire. Pour trancher l’affaire, mais il faudrait que mes “pairs” acousticiens le veuillent vraiment, il faudrait faire des mesures pour des configurations avec une anche libre chargée par un tuyau court ou long, à condition de mesurer ce qui se passe aussi au voisinage de 0 Hz. Par contre, la modélisation dans le cas des tuyaux longs devrait être difficile à faire car il faut en passer par des modélisations et des simulations en 4D (3 dimensions d’espace ET une dimension temporelle), ce qui requiert des ressources informatiques auxquelles je n’ai pas accès (pour le moment ?).

    Ensuite, si on a aussi des écoulements acoustiques violents, et pas des ondes acoustiques, dans le cas des instruments à vent, cela est tout-à-fait compatible avec les mesures où un “offset continu de mesure” est observé. En effet, si on atténue fortement un signal qui comporte principalement de l’énergie sous la fréquence de coupure du filtre passe-haut, cette énergie n’est pas éliminée par le filtre mais subsiste, un peu, sous la forme d’une petite composante “continue” résiduelle. Donc, selon moi, toutes les mesures comportant un “offset continu de mesure” sont autant de mesures suspicieuses qu’il faudrait refaire avec un système à même d’étudier ce qui se passe au voisinage des 0 Hz, à l’intérieur des instruments de musique ou, plus généralement dans ou en très grande proximité des sources acoustiques.

    Enfin, partant de l’idée que les phénomènes acoustiques ne sont pas des ondes mais des écoulements, je suis tombé sur des re-formulations de l’acoustique (notamment) qui sont compatibles avec l’hypothèse d’écoulements acoustiques. Mais, si on se contente d’étudier seulement des signaux de pression, qui plus est sans regarder ce qui se basse très bas en fréquence (surtout quand on est dans ou en très grande proximité des sources car, après, il y a une forte déperdition d’énergie associée à la disparition rapide des écoulements par des turbulences très conséquentes), on peut prendre pour des ondes acoustiques ces signaux de pression qui correspondent à une partie seulement du phénomène acoustique. Pourquoi ? Parce que l’équation d’onde en champ libre, pour les seules ondes théoriquement valides, c’est-à-dire les ondes progressives aller (pas d’ondes retour car pas de retour depuis l’infini), s’écrit exactement comme l’équation, fluide, de transport de la pression avec une vitesse sonique. Mais, pour aboutir à ça, il faut accepter de repartir des équations non linéaires de la mécanique des fluides et n’introduire que le minimum d’hypothèses concernant les phénomènes physiques, pas partir des équations linéaires obtenues en supposant qu’on a affaire à des perturbations acoustiques sans transfert de matière.

    Or, s’agissant du transfert de matière, il y a eu un article publié il y a un an qui aboutit à la conclusion d’un effet gravitationnel des ondes acoustiques, à partir d’une modélisation théorique et de mesures, donc à l’idée que les ondes acoustiques ont une masse, c’est-à-dire que les ondes acoustiques transportent de la matière ! Mais, cela ne semble pas avoir réussi à parvenir jusqu’aux acousticiens. Moi-même, je ne suis tombé sur cet article parue dans une revue de physique (de mémoire Physics Research Letters) et pas d’acoustique, au détour d’une recherche sur l’histoire de l’apparition du mot ondes en physique.

    D’où, un premier (mais probablement pas le seul) exemple que l’on pourrait revoir les choses notamment en acoustique, plus largement en physique, en envisageant que les ondes ne soient pas l’alpha et l’oméga dans certaines branches : acoustique, électromagnétisme et mécanique quantique notamment, en attendant mieux ?

    Un bien long billet, nécessitant un effort de lecture certes, mais que j’espère avoir rédigé de manière suffisamment précise pour étayer mon hypothèse sur la présence de croyances (au sens religieux et dogmatique du terme) très très fortes et quasi indéboulonnables (pour le moment ?) en science.

    Bonne nuit ou journée,

    Loran