Les intriquées

  • Les intriquées

    Publié par sarah-mars le 16 février 2025 at 8 h 40 min

    Salut à toi qui prend le temps de lire un bout de ce que je suis.

    Je partage ici, scène après scène, mon premier roman.

    Si tu as envie de lire, tu lis.

    Si tu as envie de commenter, tu commentes.

    Mais ne corriges rien. Je te l’interdit.

    sarah-mars a répondu 1 day, 6 hours ago 6 Membres · 17 Réponses
  • 17 Réponses
  • sarah-mars

    Member
    16 février 2025 at 8 h 43 min

    CHAPITRE 1 :

    Elisabeth Belland. Paris. 20 mars 1871.


    GEORGES

    Le théâtre est bondé. C’est malheureusement ce que Georges craignait et ce ne sont pas leurs deux places réservées au premier rang qui apaiseront ses angoisses. Si Elisabeth en vient à se ridiculiser, toute la commune en sera donc témoin. Paris n’est plus capitale depuis deux jours et en réalité, n’y demeurent plus que des chômeurs et des intellectuels. Georges n’est pas bien sûr de saisir la nuance entre les deux.

    Depuis la fin de l’été, la grande majorité des argentés ont pris leurs jambes à leurs cous, direction Versailles ou quelques provinces plus calmes. La guerre est bonne pour les affaires, mieux vaut garder la vie sauve et la soutenir de loin. Quant à la révolution, elle ne profite à personne et la tension dans la ville est devenue si forte depuis deux mois, que Georges éprouve une anxiété quasi-permanente. Si cela n’avait tenu qu’à lui, ils seraient partis aussi, rejoignant l’ouest parisien ou poussant même jusqu’à l’océan. Son désir de fuite s’est vite mué en un fantasme d’escapade romantique.

    Mais ce Paris tourmenté a galvanisé son épouse qui s’est alors imposée : « Vous savez Georges, ici grandi un nouveau monde ! » Son insistance à y participer ne laissant aucune place au débat, il avait alors remisé ses envies d’aventures. C’est endossé d’une légitime frustration qu’il se retrouve dans ce théâtre rue de Lyon, pour écouter la première intervention publique de sa femme. Les gens derrière lui sont survoltés et réagissent vivement à l’orateur qui s’époumone devant eux. Georges n’entend pas un mot de ses digressions, bien trop happé par la liesse du public. Pour le moment, tout ceci le met mal à l’aise. Il pressent que sa Lizie sera moquée de toute part et si sa susceptibilité ne le tourmente pas, en revanche, Georges craint sa répartie. Son appréhension ne se contient plus, elle transpire.

    Elisabeth, assise sur sa gauche, attrape ses mains et lui offre le plus doux des sourires. Cette tâche brune sur son iris gauche signe ses yeux gris qui l’ont toujours apaisé. Qu’il aime quand elle le regarde ainsi ! Il n’entend plus la foule qui hurle, seuls les égards envers lui de sa bien-aimée existent en cet instant. Les battements de son cœur se régulent, sa respiration se calme, son corps s’avance, elle tend sa joue, il y dépose un baiser.

    « Je vous prie d’accueillir maintenant Elisabeth Belland ! Elle est enseignante en sociologie. Madame Belland, je vous cède la place… ».

    L’homme suant à grosse goutte quitte la scène, manifestement soulagé. Elisabeth presse les mains de Georges, se lève et sourit, triomphante. Lui, a les intestins qui se nouent de nouveau. Il l’observe monter les quatre marches avec élégance, qu’elle ait accepté de porter cette robe bouffante plutôt que son pantalon habituel l’épargne grandement. Elle délaisse le pupitre de fortune, se place sur le devant de la scène et salue l’audience. Puis, se produit ce que Georges craignait, un homme dans la salle la hèle.

    « Il y en a marre d’entendre parler des bonnes femmes ! Viens donc plutôt t’occuper de ma queue ! »

    Une partie du public se met à rire, certains sifflent pour haranguer la belle demoiselle. Le cœur de Georges se serre, il se ratatine sur son siège, l’embarras l’écrase. Elisabeth attend que la foule se calme, laissant presque croire qu’elle est bouleversée. Puis, lorsque le silence devient malaisant, à son tour, le détracteur se fait interpeler.

    « Cher monsieur ! Sachez que je n’ai guère été sensible aux mignonneries de votre séduction. Voyez-vous, les clés ne servent à rien sans serrures, et si les plus grands fondeurs en ont fait des œuvres d’art, ce n’est pas le cas, à mon humble avis, de la nature ! J’honore le pénis pour sa seule fonctionnalité ! Quant à l’orgasme… Notre corps permet la solitude à ce plaisir. Faites-en donc bon usage ! »

    Georges n’écoute pas les réactions de la foule. A-t-elle osé parler de pénis et d’orgasme devant tout Paris ?

  • lincredule

    Member
    16 février 2025 at 19 h 55 min

    Félicitation pour ton œuvre et merci pour le partage,

    Je connais ce genre de profil et je suis impatient de découvrir la folle passion que cache la répulsion d’Elisabeth pour la queue bien que je doute fort qu’elle l’avoue devant tout Paris😂

    De marron foncé à jaunâtre😉et dont les femmes ne raffolent absolument pas en général🤢

  • le_bacteriophage

    Member
    19 février 2025 at 9 h 59 min

    @sarah-mars,

    Bravo pour la démarche. J’aurai une raison de me connecter régulièrement ici pour suivre ce roman.

    Merci à toi.

  • hautpotentieldeconneries

    Member
    19 février 2025 at 16 h 06 min

    @sarah-mars

    Tout comme notre virus bacteriophage ! 🤟

  • choosethegame

    Member
    19 février 2025 at 21 h 35 min

    C’est une idée riche de partage. J’aimerais faire pareil mais j’ai trop peur qu’on copie le roman que j’ai écris. Tu n’as pas peur de ce risque ou as-tu trouvé une solution ?

  • ex_

    Member
    19 février 2025 at 23 h 26 min

    @choosethegame
    La peur, c’est juste un truk qu’il faut dépasser.
    Ceux qui ne le font pas, perso, j’appelle ça des faibles.

    Pis, si jamais, pour pouvoir réclamer tes droits sur la chiasse qui sort de ta cervelle il suffit de te l’envoyer par la poste à toi même pour la “déposer” en attendant un action future d’édition. le cachet de la poste fera foi pour la date de création afin de réclamer tes droit en cas d’aspiration par un sombre connard simplement intéressé.
    En tout cas, en Suisse, ça marche comme ça.

  • sarah-mars

    Member
    20 février 2025 at 7 h 56 min

    ELISABETH

    « Pour conclure, le paradoxe entre le besoin de sécurité et le besoin de liberté du genre humain est à présent une donnée sociologique que l’on ne peut ignorer. Seule une société prônant la liberté, laisse le choix à chaque individu de s’inscrire dans le schéma qui lui convient, sans jugement, obligation ou prédéterminisme. Mesdames, messieurs, chers confrères. Être libre, c’est décider. Être libre, c’est rêver. Et s’il est un rêve auquel je m’accroche, c’est bien de faire de « Liberté, Égalité, Fraternité » notre devise à toutes et tous. Je vous remercie. »

    Le public se lève, les acclamations résonnent dans la salle bondée. Elisabeth est soulagée que cette conclusion tant travaillée produise l’effet escomptée. Bien que ce moment soit bref, le temps semble se suspendre. Il y a ces planches de bois qui vibrent sous ses pieds, les applaudissements qui martèlent ses oreilles, ces centaines de visages tapissant le sol qui s’emmêlent à en donner la nausée. Plus haut, les sculptures dorées des balcons la dévisagent, ou peut-être contemplent-elles impassibles cet auditoire peu endimanché, insensible au fait que les odeurs d’eaux croupies des faubourgs ont remplacées celles de Cologne. « Me voici donc enfin avec Paris à mes pieds ! » songe Elisabeth en souriant. Le spectacle qui s’offre à elle est exquis, irrationnel.

    La frénésie qui s’empare de cet auditoire l’imprègne, à tel point que ses mains moites commencent à trembler et que la sueur plaque la robe à son dos. Elle vient de trouver son public, loin de ses étudiants habituels qui la font parfois douter. Ces gens agglutinés à ses pieds ont apprécié son discours et cela flatte son égo, réveille sa fierté. Se tenir sur cette estrade, c’est un impensé exaucé et lorsque le moment sera venu de descendre de ce perchoir, Elisabeth sera plus légère, débarrassée d’un ressentiment qu’elle n’avait jusqu’ici jamais identifié. Elle l’entend à présent dans l’excitation du public, ce besoin d’impossible, l’émancipation absolue. Qu’importe les recherches, rien ne vaut l’expérience.

    Ses pensées vont à son père qu’elle remercie en silence alors qu’au premier rang, Georges applaudi mais semble embarrassé. A sa droite, les hommes politiques du moment sont présents et au-delà de leurs idées appréciables, ils sont maintenant devenus proches. La seule chose qu’Elisabeth regrette parfois, c’est leur entre-soi et l’influence persistante de leur éducation et pour certains encore, de la religion. Elle reste compréhensive, son travail ne fait que commencer. Ces hommes prêchent la liberté et l’obtiendront, les femmes suivront qu’ils le veuillent ou non. Cette foule hétéroclite encourage ses idées. « On avance, petite victoire, par petite victoire ! » songe-t-elle. Elisabeth dédie cette pensée à sa mère, sachant qu’elle aurait été emplie de fierté et la présence de Louise Michel au premier rang compense un peu cette absence, l’incite même à arroger plus encore son indéniable existence. Louise lui rend son sourire et lui fait même un clin d’œil, l’applaudissant encore. La joie et la gratitude l’emplissent, sans cette femme, aurait-elle eu la chance de vivre ce moment ? Car bien que Louise ne l’emploie, elles sont surtout amies. Elisabeth salue le public, un sourire victorieux sur les lèvres, puis descend de la scène.

  • sarah-mars

    Member
    20 février 2025 at 8 h 28 min

    @choosethegame
    Je me le suis envoyé par email. De mon alias vers une adresse mail qui contient l’intégralité de mon nom-prénom. Et vice-versa.
    Pas sur un gmail par contre, faut un truc plus sécure. Perso je suis chez proton, mais le piratage est toujours possible.
    C’est la solution la plus simple et c’est suffisant pour prouver la propriété intellectuelle de l’œuvre.

  • le_bacteriophage

    Member
    23 février 2025 at 20 h 17 min

    Je trouve intéressant que tu ais ciblé cette periode de l’histoire qui est justement une période que je suis en train d’étudier en sciences de l’éducation. J’espère qu’on en apprendra plus sur la construction d’Élisabeth à une époque où, même si il y avait beaucoup de mouvement au niveau des institutions scolaires, il était encore compliqué pour la femme d’obtenir un titre. Tu vas sans doute m’en apprendre beaucoup sur ce moment.

    Merci à toi.

  • sarah-mars

    Member
    24 février 2025 at 6 h 39 min

    EMILE

    Du fond de la salle, Emile, la vingtaine, applaudit franchement cette dernière oratrice. Le garçon est charmé par son assurance, son élégance, par l’intelligence de son discours. Son regard est insistant, il s’imagine capter le sien alors même que cette salle bondée limite toute chance d’être remarqué. « Allez Emile ! Courage ! L’utopie est le panache de la jeunesse ! Et elle s’affiche sur tous les murs de Paris ! C’est bien pour ça que tu es ici, non ? » songe-t-il. Lorsque les applaudissements s’arrêtent enfin, Elisabeth Belland descend de l’estrade et se dirige vers un homme plus âgé qui l’étreint avec retenue, comme gêné par la clameur qu’elle engendre. Nul doute qu’il soit son mari.

    Puis le couple se dirige vers la sortie, fendant la foule qui se montre tantôt reconnaissante, tantôt sauvage. Emile se faufile efficacement de sorte à croiser leur chemin et quand Elisabeth arrive à sa hauteur, sans aucune convenance, il saisit son bras. Dans son regard, Emile lit de la stupéfaction, de l’intérêt et une commune politesse. Voulant saisir sa chance et couvrant le brouhaha assourdissant, il se met à lui hurler dessus.

    « S’il vous plait Mme Belland ! Je me présente, je m’appelle Emile ! Mes amis et moi nous retrouvons tous les soirs à Montmartre pour organiser et tenir les barricades ! Nous serions vraiment ravis de vous y voir et surtout de vous y écouter !

    — Je vous remercie de l’intérêt que vous portez à mes travaux. »

    Puis, l’étreinte solide de son mari sur son bras lui fait reprendre le chemin de la sortie.

    « S’il vous plait ! crie le garçon. Vous avez votre rôle à jouer ! »

    Elle ne se retourne pas. Emile la regarde s’éloigner, partagé entre le soulagement du devoir accompli et le sentiment de s’être ridiculisé. Au moins, son appel a été lancé et plus encore, il a perçu de l’intérêt dans ses yeux, même si c’était bref, même si on ne peut parler que d’un soupçon. Mais cette étincelle suffit à embraser ses fantasmes. Convaincu qu’elle viendra motiver ceux que l’on nomme désormais les communards, Emile s’imagine déjà bien plus.

    Alors que la foule quitte le théâtre devenu salle commune, il retrouve Paul, son premier et dernier ami de lutte. Après six mois de siège, nombre de gens qu’il a connu ont disparus. Ils ont été tués, emprisonnés, exilés, les plus jeunes sont morts de faim et tous sont prêts pour une fin tragique. C’est la règle, dans toute révolution. Paul semble aussi sous le charme de la demoiselle, confirmation faite par ce qu’il dit ensuite.

    « Cette femme ne rêve pas en dentelle !

    — Je l’ai invité à venir aux barricades, répond Emile amusé par l’expression que Paul vient de malmener.

    — Viendra-t-elle ?

    — J’en suis certain ! »

    Les deux amis quittent le théâtre et prennent la route de la butte Montmartre.

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